L'Amérique
7.8
L'Amérique

livre de Franz Kafka ()

Je n’aime pas Kafka.
La confirmation m’est donnée alors que j’achève la lecture du roman Amerika, que la plupart connaisse sous le nom de « L’Amérique » - titre jusqu’alors donné, que cette nouvelle traduction a voulu effacer pour se rapprocher des racines allemandes de l’auteur.


Mais là n’est pas le sujet puisque j’ose dire et affirmer que non, je n’aime pas, mais alors vraiment pas. La prose et le style, cette utilisation d’un absurde pesant et agaçant, loin de me ravir ou de me mettre au défi comme a pu le faire Céline, me plonge dans un univers fantasmé où les mésaventures d’un jeune homme s’enchaînent sans cesse.
Karl Rossmann, notre jeune héro, suit une ligne decrescendo : fraîchement banni d’Europe par ses parents il est successivement pris sous les ailes de personnages grotesques, irréfléchis, aux morales douteuses. Le cocasse des situations et des réactions se renouvellent sans qu’on ait la sensation d’avancer, que ce soit dans l’intrigue ou dans la vie de ce triste héro. Karl, préfiguration du K. qui viendra dans les œuvres suivantes, n’apprends rien, ne retire rien de ses erreurs, raisonne avec ce qui semble être un cerveau quelque peu endommagé ; sa bonté et son innocence se transforment en stupidité- un brin d’objectivité me souffle d’utiliser le mot « naïveté » mais non, décidément, je n’y arrive pas.


Pourtant, malgré cet ennui, ce désintéressement constant, une force réside dans ces pages – et cette tournure de phrase révèle plus encore comme il est difficile de critiquer une œuvre de cette envergure. Comment prétendre à quoique ce soit ? Eh bien, il n’y a pas de prétentions, tout n’est qu’une affaire de sensibilité n’est-ce pas ?
Autant ai-je détesté la forme et les images, autant les idées véhiculées m’ont-elles ravi, dans ce qu’elles ont de plus simple.
Kafka nous parle de fatalité humaine, de la bêtise d’une population entière qui se noie dans les affres d’un non-sens constant, de la méchanceté innée qui réveille la vieille querelle « l’homme est-t-il bon ? ». La destiné de ce vulgaire pantin paraît presque joué d’avance, nous indiquant que contre la bonne volonté se heurtera toujours l’adversaire, prêt à jouer ses plus vicieuses cartes. Quelle part de liberté peut-on conserver dans une société qui brime et oppresse ?
Un point non négligeable de cette œuvre est cette mixité imaginée pour représenter l’Amérique, cette terre aux milles promesses, qui ne possèdent finalement aucune caractéristique se rapprochant un tant soit peu de la réalité. Le désenchantement vécu ne saurait d’ailleurs se rapporter uniquement au mythe du train de vie américain, synonyme de folie et de désillusions. La critique est plus pointue et dépasse les simples frontières physiques, il s’agit d’une démonstration triste, d’une tristesse incommensurable, sur ce qu’est l’homme, par delà les genres, le milieu social.


Cette grande foire à l’absurde qu’est Amerika mérite la lecture, ne serait-ce que parce que lire n’est pas toujours un plaisir entier, qui se donne facilement. Il mérite d’être lu, non parce qu’il apprend quoique soit, non parce qu’il est déjà sacré comme un incontournable culturel, mais parce qu’il montre les choses sans fioritures. Assurément, je n’ai aucune envie de me replonger dans ce livre – qui sait si le poids des ans n’apportera pas plus de jugeote à ma petite tête ?- mais l’avoir lu demeure une satisfaction et ce qui en reste laisse un agréable goût en bouche. Comme une gorgée de vin un peu amère qui révèlerait ensuite une robe délicate, mais je m’égare.


A classer dans : Enfin fini ! Mais je l’ai lu, et j’en suis content.

Angie_Vinty
7
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le 14 sept. 2015

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Angie Vinty

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