Ce que j'aime dans la littérature américaine, c'est qu'elle prend en compte le cadre naturel comme autre chose qu'un simple décor. La Californie de Steinbeck, le Grand Sud profond de Faulkner, le Mississippi de Twain sont des personnages à part entière, ou du moins ils façonnent les personnages et leurs mentalités.
Banks, lui, c'est le New Hampshire. Ses montagnes, ses fermes isolées, ses paysages pris dans les neiges qui enferment les personnages.
Les neuf nouvelles qui constituent ce court recueil d'à peine deux cents pages sont autant de portraits de ces solitudes. Des personnages pour qui la vie en société est une douleur, voire une impossibilité. Même si la dite société est réduite au strict minimum : homme et femme, père et fille, mère et fils. Non, même ça leur est impossible. Nos personnages sont tou(te)s des divorcé(e)s, des solitaires. Des gens pour qui la communication avec les autres n'existe pas. Des pères qui se rendent compte qu'ils n'ont jamais compris leurs enfants, des maris qui ouvrent les yeux sur l'absence d'amour dont l'illusion cimentait tant bien que mal leur couple.
C'est avec un tact, une délicatesse et une sensibilité extraordinaire que Banks nous décrit ces personnages. Jamais l'émotion ne sera envahissante, elle sait se faire discrète, pudique, ce qui la rend encore plus efficace. Des rencontres, des séparations, des scènes de la vie quotidienne qui se chargent d'émotions. Et des personnages qui s'interrogent : qu'est-ce que je sais vraiment de cet étranger qui est mon père, de cette inconnue qui est ma femme ? Pourquoi lui et moi ? Jusqu'à quand ?
C'est cette instabilité, cette incroyable fragilité de toute relation humaine que Banks sait magistralement saisir au vol. Un très bon livre, idéal pour commencer à se plonger dans l'oeuvre d'un des plus grands écrivains contemporains.


"Je ne crois pas que j'en voulais à Larry plus que d'habitude, mais ce soir-là, j'éprouvais quelque chose de différent. Quelque chose de plus pesant, comme si la force de gravité avait tiré mes sentiments vers le bas et les avait rivés au sol. Pourtant, à ce moment-là, je n'y ai pas fait attention. Il y avait longtemps que j'étais habituée à Larry. Ce n'était pas un mauvais bougre, pas foncièrement en tout cas, et ce soir-là il se comportait comme il l'avait toujours fait. Impatient, distrait, égocentrique, critiquant les autres, tel était Larry depuis aussi longtemps que je le connaissais. Mais sentimental aussi, et, pour un homme, porté à pleurer. Proche de son chagrin, voilà ce que je dirais. Je crois que c'est ce qui m'a retenue près de lui si longtemps. Son chagrin."

SanFelice
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le 23 oct. 2017

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