Au premier abord, la lecture est difficile. Les phrases sont abruptes, on bute sur les mots. Cette barrière invisible avec le texte se poursuit longtemps. Puis au tournant de la centième page, tout devient fluide. Une certaine connivence avec l'auteur se crée, on apprivoise l'esprit et les actions torturées de Bloch. L’interrogation du début, avions-nous affaire à du ciselé ou du bâclé, s'efface peu à peu pour nous plonger dans un état de familiarité tel que l'on en vient à regretter la brièveté du livre. Cet effet est comparable à celui ressenti à la lecture du Vieil Homme et la Mer qui pourrait en être le syndrome.


Les images mentales qui nous assaillent, dans une fabrication spontanée, oscillent entre un traditionnel noir et blanc et la couleur caractéristique des Krimi (ces vieux feuilletons allemands aux teintes blafardes). Ça marque une époque où les terres germaniques, même libres, étaient submergées par une capillarité communiste.


C'est aussi un livre sur un homme obsédé par les bruits. Mes faibles compétences en psychiatrie auraient peine à diagnostiquer le mal dont est affligé notre héros, mais il a une tendance à être à l'écoute de tout bruit suspect, d'être à l’affût des détails, à se questionner futilement sur les convenances de la langue et à errer sans but dans les paysages. Quelle pulsion étrange l'a-t-il poussé à étrangler une caissière de cinéma.


Pour conclure, un livre qui commençait comme une punition et qui finit dans le feu d'artifice de l'évocation, plongé dans le cerveau approximatif d'un Joseph Bloch au destin arythmique. Les dernières pages suggèrent la philosophie, la morale qu'il fallait entrevoir dans cette histoire. Au lieu de s'agiter inutilement, Bloch aurait dû rester immobile, comme le gardien de but au moment du penalty, et attendre que le ballon atterrisse dans ses bras.


                        Samuel d'Halescourt

Créée

le 11 juin 2020

Critique lue 369 fois

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