J'ai lu ce livre à l'occasion d'une fiche que je devais réaliser pour ma classe d'hypokhâgne B/L en octobre 2007. Sur le coup, j'ai véritablement dévoré ce livre, tant il offrait un regard différent sur un pays dont j'avais pour l'heure seulement entendu parler d'après sa "culture pop" (les jeux vidéos, les mangas et les animés, en clair).
En effet, on découvre au fil des pages un conflit violent, sanguinaire même, où le comportement du Japon pendant la Seconde Guerre Mondiale s'avère au moins aussi destructeur que celui de son allié allemand en Europe. Cela va de la stratégie du sanko (tout tuer, tout brûler, tout détruire), une stratégie anti-guérilla particulièrement ravageuse (à défaut d'être systématiquement efficace, les principales victimes étant les civils), à l'unité 231 où l'on effectue des expériences sur des prisonniers de guerre chinois, sans oublier les divers massacres dont celui de Nankin, qui reste encore un problème d'historiographie majeure.
Ces problèmes d'historiographie sont d'ailleurs bien soulignés par l'auteur, qui montre bien les enjeux de pouvoir dans la région.


Néanmoins, venant d'un auteur qui a contribué au Livre noir du communisme, un pamphlet anticommuniste fleurant bon l'aigreur de la part d'anciens communistes, on est en droit d'adopter également une perspective critique relativement à cet ouvrage. J'y vais certes un peu fort par rapport à ce livre mais tout de même, il est encore largement controversé.
Et c'est le cas avec celui-ci également. Les historiens et les sociologues de tous bords soulignent que ce livre cède à bon nombre de penchants "traditionnels" des sciences sociales relativement aux pays extra-européens, notamment l'ampleur d'explications culturalistes. Ainsi, même si Margolin souligne bien l'ampleur de la construction sociale du Bushido et de sa ré-écriture, il le prend ensuite pour argent comptant.
On trouve aussi régulièrement un ton railleur, voire sarcastique, concernant l'évocation de certains faits, ce qui rend la lecture certes 'digeste", mais qui laisse un arrière-goût d'amateurisme scientifique. Quoi qu'il en soit, on reste bien en peine après coup d'expliquer les déchainements de violence par autre chose que "le confucianisme", d'après lequel "on peut tout faire tant que cela n'est pas contraire aux obligations sociales", signifiant qu'en temps de guerre la hiérarchie est la seule à contraindre les hommes. Si celle-ci laisse faire, les soldats ne se priveront pas d'agir comme bon leur semble (et systématiquement de la plus mauvaise des façons).

Bref, il reste néanmoins un très bon ouvrage à mon sens, non pas tant du fait de sa qualité intrinsèque, mais parce qu'il m'a amené à m'intéresser de plus près au Japon dans une perspective critique, ce qui est sans aucun doute plus formateur que l'assimilation d'informations.
Erfëa
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le 15 déc. 2010

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