http://papillonvoyageurbloglivresque.weebly.com/chroniques-livres/laube-est-bleue-sur-mars-florence-hinckel

L’Aube est bleue sur Mars est une histoire qui fait rêver. On peut aisément s'identifier à cette jeune femme qu'est Esther, et l’on plonge pieds joints dans ce rêve qu’elle souhaite réaliser depuis toujours. On peut dire que le scénario est très réussi : un début prometteur (ainsi qu'une suite à sa hauteur), un rythme qui empêche toute lassitude et des personnages entiers. On voit que l’autrice n’en est pas à son premier roman et qu’elle sait ce qu’elle fait et ce qu’elle veut raconter. De prime abord, j’avais été surprise par le nombre de sources présentes à la fin de l’ouvrage. En le lisant, j’ai compris pourquoi il y en avait tant. Florence Hinckel a réussi à intégrer diverses informations et à les vulgariser dans son roman. Je n’ai pas une seule fois été larguée, alors que ce n’est pas un sujet que je maîtrise.

La plume de l’autrice est fluide et accessible, mais surtout polyvalente. Elle alterne entre l’émotion (dans les dialogues), la poésie (les lettres d’Hugo) et la rationalité (la narration d’Esther). Quel magnifique mélange ! Et quelle nuance, également ! L’autrice aborde des thématiques bien visibles qui sont l’écologie et le progrès, des idées qui s'opposent beaucoup au début de l’histoire. Lorsque Hugo et Esther se confrontaient, leurs deux visions restaient légitimes et cohérentes, mais aucun n'imposait sa vérité, et se créait alors un vrai débat sain. Impossible de connaître le fond de la pensée de l’autrice, encore moins de juger Hugo ou Esther. C’était rafraîchissant, totalement en accord avec mon mode de fonctionnement. Et c’était pareil concernant les autres personnages : ils avaient leurs objectifs, leurs idées, leurs modes de pensées, et je n’ai pas eu la sensation que l’autrice projetait son propre point de vue ou son jugement. Cela amenait beaucoup de nuances. Si certains comportements étaient critiqués par un personnage, cela ne définissait toutefois pas les concerné·e·s et nous sommes libres de nous faire notre propre opinion.

Forcément, j’ai été très touchée par le personnage d’Esther, dont on suit le point de vue du premier au dernier mot. Nous la voyons passer par tous les états, toutes les émotions, et son voyage dans l’espace apporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Ce roman se veut proche de la réalité, de la psyché humaine, alors il contient peu d’action mais il est impossible à lâcher. La seule raison de mon retard est le manque de temps, mais si j’ai lu plus de la moitié en une fois, c’est qu’il est très addictif, je vous le garantis.

Autour d’Esther gravitent d’autres personnages, et malgré le choix du point de vue interne, ils finissent tous par sortir du lot à un moment. Nous en apprenons beaucoup sur eux à travers le regard de la protagoniste et, comme Olga a touché Esther, elle m’a aussi beaucoup émue. C’est un personnage fort qui a grandement participé à mon amour pour ce livre. Quant à Jason, même si comme Esther je n’accepte pas tout chez lui, je peux compatir également. Ce roman met en évidence des blessures, des biais cognitifs différents des nôtres, des erreurs de jugement… J’ai aimé cette diversité de psychologies, ces façons parfois opposées de voir les choses, qui ont fait avancer l’histoire et ont contribué à l’évolution des personnages à chaque fois !

Le début et la fin sont liés, formant ainsi une boucle, ce qui permet une conclusion à la fois incroyable et cohérente. J’ai ressenti un « avant » et un « après » durant ma lecture : avant le départ dans l’espace, et après. Lorsqu’Esther part, Hugo prend moins de place dans sa vie (puisque nous n’avons accès qu’à ses lettres) et ça ne m’a pas forcément déplu. Ce n’était pas mon personnage préféré, même si son combat pour l’écologie est juste et honorable. Je n’ai pas accroché à sa personnalité. Mais avant ce départ, on sentait qu’Esther était très entourée, par sa famille et ses amis, et qu’elle aimait bien bouger. Par après, nous avons connu une Esther face à l’immensité de l’espace, limitée dans ses contacts, et coincée avec les mêmes personnes pendant des mois. Il y a eu aussi le passage de l'optimisme au pessimisme, face à de nouveaux éléments de l'histoire. Ce roman s’est vite transformé en un huis-clos qui mettrait n’importe quel claustrophobe en PLS. Ironique quand on sait que les personnages se trouvent dans l’immensité de l’espace, hein ? Pour autant, c’est aussi dans le « après » que l’histoire est devenue très intéressante. La seule thématique constante du roman était le processus de deuil d’Esther. Il n’était pas totalement fait. Ce voyage n’est pas que la réalisation de son rêve, mais aussi celui de sa petite sœur disparue. On peut sans mal associer ce voyage comme étant une quête de soi pour Esther. Un thème constant dans sa présence, oui, mais évolutif dans son développement.

L'Aube est bleue sur Mars est une histoire magnifique, que j’ai du mal à qualifier de « science-fiction » tant elle semble réaliste (tant dans ses aspects optimistes que pessimistes). Pour une autrice que je découvre j’avoue être comblée et curieuse. Sans le savoir, j’avais son roman de la série U4, publié quelques années auparavant. Une chose est sûre : cette extraordinaire épopée vers Mars m’a donné envie d’en savoir plus sur cette autrice et ses romans.

Grosso modo, L’Aube est bleue sur Mars est un one-shot de science-fiction young adult, tellement réaliste que j’ai du mal à le qualifier de SF. Ses personnages touchants m’ont émue, étiré des sourires et aussi parfois arraché des soupirs. J’ai refermé ce livre un peu triste de dire au revoir à Esther, Olga, Micaela, Mitchell et toute la bande. J'ai dû quitter une aventure palpitante malgré les rares scènes d’action, où la science et la psychologie fusionnent pour nous prendre aux tripes. Merci à Florence Hinckel pour ce roman, merci à elle de m’avoir fait voyager dans l’espace aux côté d’Esther.

PapillonVoyageur
10

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 16 sept. 2022

Critique lue 33 fois

1 j'aime

Critique lue 33 fois

1

D'autres avis sur L'aube est bleue sur Mars

L'aube est bleue sur Mars
MotsTordusEtBullesCa
8

Critique de L'aube est bleue sur Mars par MotsTordusEtBullesCa

Depuis le séjour de Thomas Pesquet dans la station internationale et l'envoi des rovers comme Perseverance sur Mars, les images d'exploration spatiale font davantage partie de notre quotidien. C'est...

le 26 déc. 2022

Du même critique

Confessions d'une fille invisible
PapillonVoyageur
6

Film léger qui se regarde une fois, pas plus

Ayant lu le roman avant le visionnage, je dois avouer que partais biaisée. Confessions d'une fille invisible est agréable à regarder, très coloré avec beaucoup de légèreté. On retrouve le côté...

le 5 mai 2022

1 j'aime

Music for the Masses
PapillonVoyageur
7

Depeche Mode, de la musique pour « les masses » ?

​​Depeche Mode, un groupe britannique de new wave et rock alternatif, s'est formé en 1980. Il apparaît au sein du courant de la synthpop et devient rapidement influent et populaire à l’international...

le 15 févr. 2022

1 j'aime

3

Balles perdues
PapillonVoyageur
8

Un roman au style simple mais lyrique !

Happée par la jaquette de couverture de l’édition grand format de Flammarion, je retourne ce roman et tombe sur un résumé encore plus intrigant. De genre contemporain, ce récit ne fait pas partie de...

le 8 juil. 2021

1 j'aime