Décollage

Collage pour un décollage, résumé en patchwork atomique de la préface pour un ouvrage qui s'annonce passionnant que je commence à peine. Tentative de sélection d'extraits pour dégager a priori quelques idées, et vous me donner envie.

p11 Roman en deux parties, deux récits de voyages imaginaires vers la lune, puis vers le soleil. En s'inscrivant évidemment dans la continuité d'un récit épique comme L'Odyssée, le roman de voyage constitue depuis l'Antiquité un genre bien répertorié qui a déjà engendré des chefs-d'œuvre ; il est, en outre, usuel qu'il soit à la fois roman d'aventure et roman de formation. Mais [...] le récit de voyage spatial va hésiter entre le déploiement de l'imaginaire scientifique, la recherche de l'effet parodique, le projet satirique, et la réflexion philosophique. Le lecteur de L'Autre Monde sera rapidement convaincu du Parti que Cyrano a tiré de toutes les virtualités d'un type romanesque que les découvertes récentes de l'astronomie rendaient inépuisable.

P18 Dans l'espace extraterrestre promis à l'indéfini, si ce n'est à l'infini, la théorie de l'atomisme épicurien, peu à peu restaurée depuis le 16e siècle, rend possible partout dans l'univers la naissance de la vie. [...] Chez Descartes et Gassendi [qui a actualisé la conception atomistique de Épicure-Lucrèce] l'enquête astronomique se loge au cœur de la réflexion philosophique.

Conception atomistique : les espaces de vérité existent, solides en mouvement ou métamorphose au milieu de ce qui nous échappe, comme les atomes au milieu du vide, conception qui suppose une matière sans cesse en activité de création, par les atomes, de tout ce qui constitue le réel ; la nature est une puissance de production, en perpétuel tentation des métamorphoses. p32
Le monde de la Lune est le monde de la science, mais avec toutes les limites comme les atomes entourés de vide, le vide représente le lieu de l'imprévisible, de la création, de l'accident.
Le monde du soleil est le monde des fables et des mythes pour venir combler le vide, compléter à la suite de la science.
Les mondes proposés ne sont pas ceux de l'Utopie de Thomas More. C'est un roman comparatif, le roman de la relativité.

Roman philosophique, de cette philosophie de la conscience critique aguerrie par le scepticisme qui questionne la prétention de la pensée doctrinaire à la vérité. P33

(Un passage du livre appelé le "fils de l'hôte", dont la structure romanesque devait préparé le triomphe du discours épicurien, est d'avance dénoncé [dans le livre] pour son outrance ; son épicurisme sommaire et désuet ignore tous les efforts d'actualisation de Gassendi ; il succombe à la tentation du dogmatisme et du discours d'autorité. p31)

Exemple le discours épicurien du "fils de l'hôte", qui semblait se promettre au lecteur en discours de vérité, se dissout dans la dérision du récit. P34

La lune, avec son éclat emprunté, ne brille pour l'homme que de loin ; et dans la lumière éblouissante du soleil Dyrcona n'avance que de mirage à mirage. P34

Vers la page 32 ou 33, ce n'est plus la quête du vrai mais du vraisemblable.

Le vide de l'espace s'ouvre à la liberté de l'esprit, libertin. P35

(P37 il s'agit de disposer d'une parole libre pour penser librement. Non pas substituer de nouvelles vérités aux anciennes, ou de nouveaux dogmes aux dogmes mis en question, mais se donner l'espace de la disponibilité d'esprit)

((mais aujourd'hui avons-nous cet espace ? Avons-nous le temps de cet espace ? Contexte politique... autre rapport à la vérité ? Organiser, revendiquer cette espace pour permettre d'y mettre véritablement ce temps de ? Espace et temps publique ?))

L'Autre Monde est un prototype du roman de l'aventure spatiale, auquel il propose pour règle d'invention un respect maîtrisé des données scientifiques. Mais il a encore bien davantage une ambition qui l'inscrit dans l'héritage de Montaigne proposant une réflexion sur la relativité des modèles ; il inspire les fictions ironiques des Voyages de Gulliver, des Lettres Persanes, de Micromégas, petits ou grands romans, jusqu'à La Planète des singes.