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C'est le confinement dû à la pandémie de COVID qui est à l'origine de ce livre. Dès le début, arpentant les rues de son enfance -les Belges n'avaient pas besoin d'attestation de sortie-, Jean-Philippe Toussaint se retrouve devant son ancienne école. Puis les souvenirs remontent et les projets de rencontres, de colloques s'éloignent, s'annulent. L'écrivain entre alors dans son bureau de Bruxelles et se met à écrire sur sa vie, ses rencontres et sa découverte puis sa passion pour le jeu d'échecs. "J'étais là, immobile, devant l'échiquier de ma mémoire -et j'y resterai tout au long de ces pages, c'est la présent de ce livre, c'est son présent infini." (p.9). 64 chapitres, autant que le nombre de cases de l'échiquier. Simultanément, il commence à traduire le livre de Stefan Zweig, Le joueur d'échecs.


Il est des écrivains dont on achète les livres sans même en connaître les thèmes. Jean-Philippe Toussaint fait partie de ceux-là, même si sans rien dévoiler, le titre et la quatrième de couverture -un simple échiquier bleu et blanc- laissaient peu de doutes sur ce livre-ci. Cependant, croire que l'auteur se limite à ses parties d'échecs serait trompeur, car il invoque ses souvenirs d'enfance, d'adolescence et de jeune adulte, dans le même temps qu'il parle de sa manière d'écrire, de ses raisons, de ce qu'écrire lui procure : "J'ignorais qu'écrire des livres, au-delà du plaisir que j'y prendrais, serait un moyen de me préserver des offenses de la vie. Car si j'écris, si un jour je me suis mis à écrire, c'est peut-être précisément pour ériger une défense contre les arêtes coupantes du réel." (p.74)


A l'heure où il entre en vieillesse -c'est lui qui le dit, pas moi-, et où la COVID contraint à un isolement, JP Toussaint revient sur son enfance entre Bruxelles et Paris, ses rencontres, ses débuts aux échecs contre son père, puis avec des copains : "De nombreux journaux, ces temps-ci, donnent la parole à des intellectuels pour les inciter à "penser la crise", à nous dire ce que pourrait être le monde qui succédera à la pandémie, à réfléchir à ce que sera l'après. Mais mon sentiment -la seule intuition saillante qui me soit venue à l'esprit ces temps-ci-, c'est que la pandémie, loin de m'ouvrir de nouveaux horizons pour l'après, me renvoie en permanence à l'avant." (p.82)


N'étant point féru d'échecs- je ne sais que le déplacement des pièces- j'aurais pu me désintéresser, mais ce ne fut pas le cas, car le jeu est le prétexte que prend l'écrivain pour faire un portrait de lui à différents âges. Très bien écrit. Narcissique, diront certains. Sans doute, mais c'est souvent le thème d'une autobiographie. La réflexion sur l'écriture et la traduction m'a semblé la plus intéressante et la plus développée car, même si je n'écris pas, j'aime savoir pourquoi et comment, un jour, on décide décrire, comment on corrige ses textes, on choisit tel mot plus qu'un autre, celui dont le lecteur se dit qu'il est là pour une bonne raison. Et là, si l'on voit que ce beau texte littéraire est travaillé, précis, il ne sent pas la sueur, tout coule parfaitement, comme si JP Toussaint l'avait écrit d'un jet.

YvesMabon
9
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le 31 oct. 2023

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Yv Pol

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