C’est beau bien écrit, un peu trop bien même.
Des phrases aussi bien tournées qui jaillissent avec tant de fluidité, c’est presque suspect.
Sans parler du name dropping désinvolte, de cet étalage discret d’omnivorisme culturel (qui passe de Husserl à Eminem l’air de rien) ou de cette tendance beaucoup trop systématique à vouloir jongler entre les registres stylistiques en tentant de sonner aussi naturel que possible, sans jamais faire totalement illusion.
Un peu comme les bistro branchés du marais qui vendent une ambiance “comme à la maison” à coup de grilled cheese à 18 euros
En fait (et je dis ça sans jugement) c’est de la littérature de iencli : je suis moi même un iencli donc évidemment que j’ai dévoré ce livre et y ai pris grand plaisir.
C’est beau et touchant, même si entre nous c’est facile d’être touchant lorsqu’on est sélectif dans destinataires de son empathie.
Un jour j’ai demandé à mon ami Marwane s’il éprouvait parfois du mepris de classe.
Il m’a répondu : je méprise toutes les classes sauf la bourgeoisie culturelle.
Marwane est un vrai transfuge de classe, et j’ai donc pris sa réponse comme une validation de mes propres sentiments de l’époque, à savoir un agacement envers les personnes de mon cercle proche qui noient tout ce que la vie a d’injuste, de laid et d’absurde sous le divertissement.
Aussi les protagonistes de ce roman sont ils des bourgeois culturels - (ou tout du moins les receptacles de la bourgeoisie culturelle de l’auteur) envers qui l’empathie est bon marché quand on est soi-même un bourgeois culturel.
Tout ça étant dit, ça reste une lecture très agréable dévorée en quelque jours, qui essaie en toute bonne foi de toucher du doigt une sorte de grâce, de vérité profonde.
Mais à mon avis il y a des livres comme Travaux de George Navel qui y parviennent bien mieux et avec beaucoup moins d’artifices.