"L'Enclave" est le troisième roman de Benoît Vitkine que je lis, après "Donbass" et "Les loups" et ça continue à bien se passer entre l'auteur et moi.
"L'Enclave" est un récit plus court que les susnommés et qu'au fil de ma lecture - et à ma grande surprise - j'ai eu tendance à rapprocher du genre "conte philosophique".
Le roman repose sur une itinérance. Celle du "Gris", surnom d'Ilia, 18 ans, petite frappe qui sort de prison et incarne l'état d'esprit de la génération russe qui assiste en acteur impuissant à la chute de l'Union soviétique. Nous sommes en effet au lendemain de la chute du Mur de Berlin, à Sovetsk (oblast de Kaliningrad). L'enclave de Kaliningrad (anciennement Königsberg, cité de Prusse orientale qui vit naître et mourir le philosophe Emmanuel Kant) est encore aujourd'hui comme hier un territoire hautement stratégique.
Une itinérance aux allures d'errance et de quête tout à la fois. Au gré de ce chemin initiatique, le Gris va rencontrer plusieurs personnages, parmi lesquels des figures emblématiques (mais pas du tout stéréotypées) de l'esprit et du fonctionnement soviétiques. Ces rencontres vont transmettre au Gris et au lecteur des enseignements précieux sur l'accès à la "liberté".
La prose de Vitkine est réaliste même s'il parvient à lui donner une touche de poésie (et vu le sujet, c'est un exploit). Les caractères, faits et gestes, des personnages ont trouvé leur parfait écho dans le souvenir de mes propres rencontres lors de mes trois voyages en Russie, en 2013, 2016 et 2019. Je savais que l'auteur avait une parfaite connaissance de la mentalité russe et une bonne analyse du système de gouvernance de la Russie et il le démontre une fois encore avec "L'Enclave".