Fabuleuse pièce de théâtre, et la moins connue de Camus, elle est descendue par les critiques de l'époque.
Elle s'inscrit logiquement dans le cycle "Révolte" de l'auteur puisqu'elle est, en quelques sortes, une adaptation de La Peste au théâtre. Nuance toutefois, il ne s'agit en rien pour Camus d'une adaptation spécifique de son roman pour ce contexte. L'intrigue se déroule d'ailleurs sous le soleil de l'Espagne, et le style diffère particulièrement entre ces deux oeuvres.



Je n'ai jamais cessé de considérer que l'Etat de Siège, avec tous ses défauts, est peut-être celui de mes écrits qui me ressemble le plus.



Je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation qu'il fait en 1957. Il s'agit de son oeuvre la plus populaire, dans le noble sens du terme. Ici l'on traite de la Peste, image de tous les totalitarismes, de toutes les administrations corrompues et des peuples à genou, symboles de la peur et de l'inévitable, visage du mal sous toutes ses formes. J'irais même jusqu'à dire que cette pièce se construit autour d'un "Lyrisme populaire", grâce à des tirades poétiques, imagées, absolument magnifiques qui contrastent avec le style sec, fin et administratif des agents de la Peste. Deux discours se mêlent donc et dansent dans ce décor pittoresque.


La raison pour laquelle cette oeuvre est la plus proche de l'âme de l'auteur est qu'elle traite de ses trois grands thèmes : l'absurde, la révolte et l'amour.
De l'absurde nous voyons l'existence, bien sûr dépourvue de sens, mais maintenant dépouillée de passion par la peste et ses sbires.
De l'amour, nous suivons l'histoire de Diego et Victoria qui s'aimeront par delà la douleur et la mort.
De la révolte, surtout, nous retrouvons les mêmes thèmes que dans La Peste : la force populaire, la victoire de la raison, la nécessité du courage et de l'intelligence, la nécessité de résister, d'aimer, de mener des révoltes collectives pour la liberté. Une magnifique satire des régimes totalitaires en général est dépeinte et la pièce n'est pas sans humour.


C'est une courte pièce émouvante, qui surprendra les lecteurs de La Peste. Elle est à mon sens, l'une des œuvres les plus belles, sincères et abouties que Camus ait écrite. Quel dommage que quelques critiques gominés de l'époque aient eu raison de ses représentations et qu'elle soit tombée si vite dans l'oubli.

DogtorWoof
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le 6 août 2016

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