[Critique V1.3]

Robert Kurz est connu pour avoir dénoncé le "fétiche de la lutte des classes" et donc pour sa critique du marxisme en étant lui-même d'inspiration marxiste, rejetant donc l’idolâtrie envers le penseur d'extrême-gauche à l'origine du communisme autoritaire (partant d'une bonne intention d'intérêt général mais finissant souvent en dictature du prolétariat confisquée par une minorité reproduisant les dérives autoritaristes des capitalistes).

Dans la première moitié, Robert Kurz analyse les théories sur l'État et l'étatisme notamment celle de "Léviathan" et de Hobbes, montrant ainsi que ledit État essaye de se justifier même quand il est en tort en se faisant passer comme servant l'intérêt général pour au final servir que ses propres intérêts privés et égoïstes (on parle alors aussi "d'état d'exception" qui rappelleront même encore aujourd'hui les "états d'urgence" perçues parfois à tort ou à raison comme des dérives dictatoriales).

Malheureusement, il y a des éléments de formes qui nuisent au fond, notamment quand l'auteur utilise beaucoup trop le préfixe "méta" à gauche et à droite, sans jamais rappeler la définition dudit préfixe, rendant ainsi le tout difficile d'accès et passant pour pompeux et pseudo-intellectuel. Il en va de même avec des termes comme "critique de la valeur-dissociation" également pas toujours bien expliqué (mais on comprend aussi que l'étatisme sert aussi à privilégier le capitalisme de marché).

Cela donne l'impression que l'ouvrage est réservé à des ultra-initiés minoritaires et non destiné à avoir un quelconque véritable impact dans la critique et le potentiel renversement dudit État de Léviathan. Ces thèses pour une théorie critique de l'État paraissent presque du vent, inutiles, ou déjà-vus.

Peut-être suis-je mauvaise langue et qu'on pourrait aussi attribuer aux éditeurs et traducteurs un certain manque de pertinence en notes de bas de page. Toutefois, on dirait aussi parfois que l'auteur fait dans la fallacie par projection à l'égard des anarchistes.

Si l'auteur critique Marx en disant que sa critique de l'État est hypocrite car lui-même a contribué à reproduire lesdites tares de l'État dans ses théories à l'origine de l'URSS et autres dictatures autoritaires faussement populaires - et qu'il a raison de se contenter de Marx vu que le bonhomme a des théories très développées à lui tout-seul - en revanche, les accusations de "lacunes" envers les théories anarchistes ne sont pas pertinentes car témoignent des propres lacunes de l'auteur en matière d'analyses de penseurs anarchistes :

En effet, Kurz dit qu'en gros si je caricature, que "l'anarchisme c'est nul" car il n'a lu ... que Bakounine. S'il faut toutefois ne pas être idolâtre envers Bakounine, l'auteur ayant rappelé à juste titre que le penseur russe est un antisémite crasseux qui ne supportait pas les critiques des auteurs communistes à son égard et se faisait dominer intellectuellement facilement par Marx, lequel disait des libertaires :

Les anarchistes ne combattent pas l'État car combattre l'État reviendrait à le reconnaître.

Marx écrivait ça pourtant pendant la période de "propagande par le fait" fin 19e siècle, où les anarchistes combattaient activement l'État, et on pourrait aussi en rire si ça avait été dit aujourd'hui vu comment anarchistes et étatistes passent leur temps à se combattre.

Et vu comment les Soviets et les marxistes-léninistes ont finir par devenir comme les étatistes qu'ils détestaient tant, on pourrait donc dire que l'État reconnait l'anarchisme comme un concurrent sérieux et légitime (surtout quand on sait que certains anarchistes arrivent à proposer des alternatives à l'État parfois dans la non-violence contrairement aux Black Blocks, en dehors ou en parallèle de l'État).

Et pour en revenir à Bakounine : pourquoi citer que ce penseur "lacunaire" (et accessoirement mauvais stratège pendant la Commune anarchiste de Lyon en 1871) alors qu'il y a tellement de penseurs anarchistes réels ou présumés qui sont bien moins lacunaires ?

Quid de Tolstoï, chrétien critique de l'Église et de la figure du dictateur dans Guerre et Paix ? De la militante Emma Goldman ? De Ricardo Flores Magon, ce révolutionnaire mexicain qui avait prouvé que même les étatistes de gauche étaient contre le peuple ? Où est Louise Michel, cette Française révoltée qui avait proposé des alternatives ? De Kropotkine et de sa Conquête du Pain, véritable ouvrage de l'organisation et de la subsistance de la société sans État ? Ou même Thomas Müntzer, considéré par certains comme le meneur d'une des premières révoltes anarchistes pendant la Guerre des Paysans allemands au 16e siècle, et qui avait transmis ces paroles : "Toutes les choses sont communes" ?

En bref et malgré son analyse critique de l'étatisme et sa remise en question de l’idolâtrie marxiste : de par son langage pas toujours accessible même pour le lecteur un tantinet initié, et enfin pour sa critique elle-même lacunaire de l'anarchisme "lacunaire", Robert Kurz passe au pire pour un matérialiste marxiste pompeux et au mieux l'on peut dire que Robert Kurz n'est pas l'antiétatiste suprême.

darevenin
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le 13 janv. 2024

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