Malgré son titre bonhomme, L'homme qui a vu l'homme, le bouquin de Marin Ledun est plutôt sec et raide. Jusqu'ici on enviait le way of life des surfeurs des plages de la Côte d'Argent mais la vie n'est visiblement pas toujours très cool au Pays Basque.
On se souvient de la 'guerre sale' menée pendant les années 80 au Pays Basque par l'appareil répressif espagnol avec l'amicale bienveillance de son homologue français : des années sombres qui firent la triste renommée des GAL (Groupes anti-terroristes de libération) venus exterminer les membres d'ETA repliés en territoire français, en Euskadi-Nord.
En 2009-2010 de nouvelles exactions ont lieu dont la disparition de Jon Anza dont semble s'être inspiré Marin Ledun.
À cette époque, quelques mois avant qu'ETA abandonne officiellement la lutte armée (ce sera fin 2011), certains voient resurgir les fantômes des années de 'sale guerre'.
Ce bouquin est l'occasion de plonger dans l'histoire récente de ce pays, de revisiter les amours incestueuses entre les appareils judiciaires et policiers, de se perdre dans les arcanes de la désinformation et de la manipulation, de s'étonner encore et toujours de l'impunité avec laquelle peuvent agir des groupuscules miliciens (en France, en 2009).
Sans se laisser emporté par son engagement, Marin Ledun évite soigneusement d'en faire trop sur le volet politique et le héros de son livre n'est pas ETA : les motivations (parfois) de cette organisation et ses actions (souvent) sont suffisamment ambigus pour qu'on ne suive pas aveuglément ses militants.
Non, le propos de l'auteur vise plutôt à retracer le minutieux (et dangereux) travail d'investigation des journalistes : il y en a deux dans son roman, ni des saints, ni des héros, mais deux journaleux qui font leur boulot.
Cela donne un récit sec et un bouquin très dur, sans cesse sous tension, une sorte de thriller politique où Marin Ledun ne fait guère de concessions : pas vraiment de héros sans peurs et sans reproches, pas de scoops politico-journalistiques, pas de rocambolesques péripéties, ...
Mais des faits, beaucoup de faits, parfois difficilement soutenables, juste hier en 2009, ici en France.
La description coup de poing d'un monde déshumanisé qui renvoie dos à dos les flics compromis avec leurs mercenaires et les indépendantistes figés dans leur rigueur militante.
Marin Ledun tient sa prose et son intrigue d'une main de fer et nous donne un récit très dur mais indispensable.
BMR
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le 14 avr. 2014

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