L'épiphanie de l'exaspération

Ça me coûte beaucoup de dire cela, Victor Hugo étant l'un de mes maîtres, mais ce livre a provoqué en moi une telle exaspération que je l'ai balancé à la poubelle.
C'est aussi la première fois, depuis que j'ai commencé à lire, que j'ai allègrement sauté plusieurs pages - voir chapitres - tant les développements sur l'aristocratie anglaise, les lords, la chambre des pairs...etc. sont exaspérants.
Je pense qu'il y a deux problèmes :
1/ L'érudition de Victor Hugo n'est pas didactique, et ne s'inscrit absolument pas dans une visée pédagogique. Il n'est pas là pour vous expliquer, mais plutôt pour vous subjuguer. Ainsi, un fait, une référence historique ou mythologique suit l'autre, sans aucune explication, à peine prend-il le temps de dérouler sa pensée qu'il saute à une autre. C'est une érudition ostentatoire qui se gargarise de sa propre exhibition. En somme, vous avez plus du tiers du livre qui n'est qu'étalement historique, philosophique, et souvent ésotérique. Le problème ici est que vous n'apprenez absolument rien du tout, ce n'est pas intéressant, parce que c'est présenté comme une forme de discours politicien où le but est de séduire et de provoquer l'admiration. Ce n'est pas écrit pour expliquer, et ça c'est le truc le plus énervant dans la lecture.
2/ Cet étalement dessert totalement son histoire, qui du reste est digne d'un conte de Perrault. Les développements sur l'aristocratie ne servent absolument à rien, ça ne rend pas intelligible la fin de l'histoire, bien qu'on comprenne le lien entre les infos sur les lords et l'intrigue, c'est vraiment de l'accessoire, de l'étoffe.
L'histoire quant à elle est vraiment d'une mièvrerie confondante. Hugo reprend sa figure chérie du monstre laid (Quasimodo). J'ai trouvé l'intrigue brouillonne, mal construite, et la narration se disperse et se liquéfie entre toutes les digressions qui ne servent à rien. C'est tiré par les cheveux, un lord réfractaire au retour de la royauté s'exile en Suisse, il fait un enfant. L'enfant se retrouve comme par hasard dans la main des Comprachicos, avec la complicité du roi. Le garçon est abandonné en pleine nuit sur la côte, les marins meurent dans une tempête de neige à cause de leur faute. Le garçon de 10 ans quant à lui réussit à survivre et sauve un bébé. Et puis vous avez Ursus qui comme par hasard était garé dans le coin, dans la première ville que traverse l'enfant. Comme par hasard ! Mdrrr c'est du n'importe quoi. Et puis l'histoire d'amour entre Gwynplaine et Déa c'est vraiment digne d'un conte de fées, c'est d'une mièvrerie absolument insupportable. Et puis Gwynplaine devient connu, une duchesse l'aime, on lui restitue son titre et ses domaines...
Blablabla. Et Barkilphedro est méchant, il se joue des autres. Et Josiane est masochiste, et Gwynplaine devient cupide, et Déa est l'image même de la bonté céleste, parce qu'elle est aveugle, elle voit la beauté intérieure de Gwynplaine.

Bref insupportable. Une histoire vraiment plus maigre qu'un rameau, pétrie de bons sentiments qui dégoulinent et une sirupeuse saveur de miel et de guimauve. Pour camoufler cette maigreur étique et faiblarde, on étoffe on étoffe, on n'hésite pas à remplir des pages et des pages - que dis-je ! des chapitres entiers - de digressions sur l'histoire et le droit qui n'ont absolument rien à voir avec l'intrigue, et qui au lieu de l'expliciter et la servir, la plombent et la rendent insupportable.

Bref, immense déception pour ma part. Je sais que je ne lirai pas Victor Hugo de sitôt. Je me rends compte qu'avec l'âge, je ne supporte plus les bons sentiments, et Jules Larforgue avait raison de dire qu'Hugo a empoisonné la littérature française avec les bons sentiments, et a introduit le vice de la compassion et de l'excuse pour les mis au banc de la société.

Désolé Hugo, tu fus mon maître, mais là t'abuses frère.