Voilà un objet littéraire très étonnant ! Déstabilisant même, dans les premières pages (ou devrais-je dire « eaux » ?). Pas de quoi tomber dans les pommes et pourtant…Une fillette nous parle, avec un langage aux confins d’une langue étrangère, les prénoms et les noms de famille sont étranges, les expressions fruitières abondent et les phrases dessinent quelque chose d’à la fois familier et irréel. Et peu à peu la magie opère, on s’approprie la musique et les mots, et on restitue le sens là où le texte semblait délirant.
Très vite, l’histoire se dessine, on comprend l’isolement sur l’île proche d’un continent, on apprend le passé trouble et les événements qui ont fait évoluer le mode de vie et l’on voit arriver de nouvelles périodes troublées. On peut y ajouter les messages écrits par les enfants, dont l’orthographe incertaine crée une autre forme de poésie.
Il faut accepter de s’imprégner d’un texte qui serait écrit dans une langue étrangère proche de la notre et c’est un peu cela puisque cette métamorphose du langage a été une prise de position politique, une manière de faire table rase d’un passé agité. Les métaphores abondent (selon notre définition actuelle) et font de ce texte une sorte de traité universel de la destinée humaine, qui fait fi de la paix pour défendre des idées. La guerre, la pollution, le profit, tous ces maux sont évoqués entre les lignes.
Pour les amoureux de jeux avec le langage, la lecture sera un grand plaisir. Très original et réjouissant.