actuel et inactualité

Ouvrage très intéressant, traçant la trajectoire d'une Europe qui s'étend et se replie sur elle-même, au sur le cours de plusieurs siècles, en présentant les rouages de la colonisation, notamment celle de l'Afrique du Sud, dont je n'avais à titre personnel jamais entendu parler avec autant de complexité.

Le premier chapitre me semble être le plus fort, en mettant en relation la bourgeoisie, l'état, et la colonisation, dans une explication qui résonne bien avec l'époque actuelle. La suite est plus penchée sur des cas historiques, avec le développement de la pensée raciale et puis la race et la bureaucratie, mais malheureusement le niveau baisse alors, et le texte devient presque difficile à suivre quand on aborde les deux avant-derniers chapitres, soporifiques à souhait (je ne sais même plus de quoi ils parlaient) . Heureusement le dernier rehausse le niveau.

Pourquoi ces aléas de niveau? Je me l'explique ainsi: Arendt est bien plus proche temporellement de ses sujets. Elle peut, lors de la rédaction du texte, faire des allusions à certains sujets, qui 70 années plus tard sont bien plus obscurs. Il en résulte que les explications vagues deviennent très confuses, et que les meilleurs chapitres sont ceux qui par leur dimension plus abstraites sont bien plus actuels. Tels les premiers et derniers qui parlent de bourgeoisie, d'expansion, de colonialisme, et du sort des apatrides, des réfugiés, des hors-la-loi. Alors que le ventre mou du livre est remplis d'allusions à une époque qu'Arendt a connu de son vivant et qu'elle ne prend as tellement la peine de placer sur une frise chronologique. Elle n'avait sans doute pas considéré que ce texte lui survivrait tant.