C'est l'auteure qui m'a attiré : “Florence Aubenas”.
J'ai déjà lu quelques-uns de ses bouquins... Jamais déçu ! Alors quand j'ai vu son nom apparaître dans mon courrier DIACRITIK du 11 février 2021, je me suis dit : Oh là, voilà un bon !
https://diacritik.com/2021/02/11/florence-aubenas-linconnu-de-la-poste-un-palais-des-glaces-ou-la-realite-se-derobe/
Pour autant que je me souvienne, avec son livre « Le Quai de Ouistreham », récit autobiographique paru en 2010, Florence Aubenas avait connu un succès mérité pour la grande rigueur de son récit, sa langue simple et claire, son style direct et percutant.


Florence Aubenas est une journaliste française née à Bruxelles en 1961. Étudiante à l'école européenne de Bruxelles, elle effectue deux années de classes préparatoires littéraires, puis est diplômée du Centre de formation des journalistes en 1984. Elle devient journaliste pour Le Matin de Paris et Le Nouvel Économiste, avant d'entrer en 1986 à Libération comme grand reporter, jusqu'à son départ en 2006 pour l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur puis Le Monde à partir de 2012.
En 2005, à l’occasion d'un reportage en Irak, elle est retenue en otage pendant cinq mois.
Elle est l’auteure d’une dizaine d’ouvrages dont : La Fabrication de l'information (1999) ; Résister, c'est créer (2002) ; La Méprise : l'affaire d'Outreau (2005) ; Grand reporter (2009) ; Les détenus sont-ils des citoyens ? (2010) ; Le Quai de Ouistreham (2010) ; En France (2014) ; L'Inconnu de la poste (2021).


Vous en souvenez-vous ?
Le 19 décembre 2008, entre 8h36 et 9h03, Catherine Burgod est assassinée de 28 coups de couteau, elle était enceinte, elle était la fille d’une figure locale, Raymond Burgod, depuis 36 ans le numéro 2 de la mairie de Montréal-la-Cluse, village sans histoire d’une banalité singulière : « Cette partie-là du bourg garde son jus de campagne. Longtemps, il y eut des vaches, une rivière, une comtesse dans son château, qui semble parfois y être encore. Une venelle étroite se tortille à flanc de montagne, où les voitures se croisent à peine : c’est la rue principale qui passe devant l’église, qui débouche sur une placette avec une belle fontaine où les bêtes se relayaient pour boire » et, pour le tragique du lieu, ajoutons une « poste de poupée » devenue scène de crime, Catherine Burgod en était la postière. Montréal-la-Cluse est une commune d’un peu plus de trois mille âmes, située dans le Haut Bugey, à environ 39 kilomètres de Bourg-en-Bresse, dans le département de l'Ain qui, avec le lac de Nantua fut un haut lieu de tourisme, désormais délaissé.


C’est dans ce cadre, qui aurait dû conserver toute sa quiétude, que Florence va retracer les péripéties de la longue enquête de gendarmerie qui va mener à l’arrestation du suspect.


Et c’est avec une plume éblouissante que Florence dresse une galerie de portraits tous plus précis et vivants les uns que les autres. Le lecteur a vraiment de sentiment de connaître de longue date Catherine Burgod, la jolie postière et son père Raymond véritable mentor du village ainsi que de nombreux personnages secondaires et marginaux attiré par la “Plastic Valley” : dans la région, de nombreuses entreprises de moulage et de transformation de matières plastiques se sont installées drainant tout une faune en quête de travail. Et parmi ces marginaux un drôle de bonhomme qui répond au nom de Gérald Thomassin. Ce nom vous dit quelque chose ?


Quand Gérald pénètre pour la première fois dans la « poste de poupée » pour ouvrir un Livret A et y verser trois-francs-six-sous, il déclare à Catherine être acteur de cinéma, qu’il a même obtenu un César. Elle n’en croit pas un mot et le prend pour un mythomane qui veut la draguer. Mais Internet confirme : pas moins de vingt-et-un films au compteur et le César du meilleur espoir pour… Le Petit Criminel de Jacques Doillon, en 1991.
Que vient-il faire ici ? Se mettre au vert, se faire oublier un peu, alcool, drogue, une vie d’errance qu’il essaie de stabiliser…


Lentement, méthodiquement, Florence démonte le long cheminement de l’enquête qui s’enlise devant le manque d’indices probants mais est constamment aiguillonnée par Raymond Burgod, le père impatient, et influencée par la rumeur rampante et implacable qui tient déjà son coupable.


Ce livre est un régal d’écriture, il révèle un grand écrivain. Il est rare que j’ose émettre un jugement sur la qualité littéraire d’un livre. Je n’en ai pas la qualification. Mais ici, j’ai souvent été transporté par la qualité du texte, du vocabulaire et du style. Sans doute, parce que je ne l’attendais pas. Je m’attendais un quelque chose de plus factuel, de plus distancié. Là, nous sommes dans le romanesque. En permanence on bascule du compte-rendu de documents judiciaires, où Florence s’efface, à la fiction romanesque, où elle laisse toute liberté à sa plume, et c’est beau ! Quant à la construction, elle sait très bien faire sentir la valse-hésitation des enquêteurs, la lenteur de l’instruction prise en tenaille entre l’impatience de la partie civile, la rumeur publique et l’absence de preuves de l’accusation.
Ce pourrait presque être un excellent roman…
Mais en fin de compte. Comme ce livre ne peut avoir d’autre dénouement que la réalité des faits. Sans dévoiler l’épilogue, on ne peut que dire :
« Tout ça, pour ça ? »


P.S. : Étrange coïncidence.
N’aurais-je pas accueilli Gérald Thomassin, acteur de son état… pour tondre ma pelouse ?
« Thomassin a bénéficié d’une libération provisoire quelques mois plus tôt, en juin 2016. […] À sa sortie de prison, une association d’insertion vers Bordeaux avait accepté de le prendre en charge, section entretien des espaces verts. » Or, janvier 2017, j’ai sollicité une association de services à domicile, basée à Mérignac (commune jouxtant Bordeaux), afin d’entretenir mon jardin, car l’âge venant il m’était pénible de m’en charger moi-même. Lorsque le responsable est venu sur place se rendre compte du travail à faire, il m’a mis en garde « Vous savez qui nous sommes ? Une association de réinsertion par le travail, pour personnes sortant de prison… » Je lui ai répondu que cela ne m’effrayait pas et que, si je pouvais faire œuvre utile…

Philou33
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le 24 avr. 2021

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Philou33

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