Ce livre-enquête retrace l’histoire d’un drame survenu en 2008, à quelques jours de Noël, dans un village de l’Ain, Montréal-la-Cluse. Catherine Burgod est retrouvée morte dans le petit bureau de poste où elle était employée. Vingt-huit coups de couteau lui ont été portés, 2500 euros ont été dérobés. Ici, tout le monde se connait et Catherine était très appréciée. Très vite, les soupçons se tournent vers un jeune marginal, récemment installé dans le village. Cet homme, c’est Gérald Thomassin. Marqué par une enfance difficile, il a été repéré lors d’un casting dans un foyer de la DDASS où il était alors placé. Il devient en 1991, à 16 ans, le héros d’un film de Jacques Doillon, Le Petit Criminel pour lequel il obtient même un César. Il apparait ensuite dans plusieurs films, mais le jeune homme est instable. A Montréal-la-Cluse, il fréquente deux autres marginaux et raconte sa vie de star de cinéma à qui veut l’entendre. Une première fois relâché pour ce meurtre, il est de nouveau arrêté en 2013, incarcéré et relâché de nouveau en 2015, des preuves ADN l’ayant innocenté. Alors que le procès d’assises qui doit définitivement l’innocenter ouvre en 2019 à Lyon, Gérald Thomassin disparaît.
Florence Aubenas sait admirablement rendre une atmosphère, ici un village enclavé, qui vit grâce aux industries du plastique qui sont installées dans la vallée. Un village comme il en existe des dizaines, où rien n’arrive jamais et qui se trouve subitement marqué par le drame.
Elle s’attache à décrire le parcours et la personnalité de Gérald Thomassin, qu’elle a rencontré et avec qui elle a tissé des liens (c’est d’ailleurs elle qui lui a payé le billet de train pour qu’il se rende au procès où il n’arrivera jamais), mais aussi celui de Catherine Burgod, fille d’un notable du village, séparée de son mari, mère de famille, engagée dans une nouvelle relation amoureuse et enceinte au moment de son assassinat. Elle nous raconte aussi la bataille engagée par le père de Catherine pour la vérité soit faite, sa conviction que Gérald Thomassin et le coupable.
Dans ce récit-enquête, et malgré sa proximité avec l’acteur qu’elle ne met d’ailleurs pas en scène (une fois le prologue passé) et c’est très appréciable, aucun parti-pris. Simplement un exposé des faits, des portraits détaillés des protagonistes, une immersion dans un lieu et une ambiance. C’est aussi une plongée dans une réalité économique, celle d’une France un peu oubliée et dans les arcanes de la justice et dans dix ans d’enquête.
Le livre se lit d’une traite tant la construction est maitrisée, minutieuse. Florence Aubenas n’invente pas, n’extrapole pas et c’est sans doute aussi l’une des forces du récit : rester au plus près de ce qui est connu, sans combler les blancs de l’histoire. Qu’est devenu Gérald Thomassin ? Aujourd’hui encore le mystère demeure et le récit se referme sur cette question.