Signé de l’Australien Robbie Arnott, L’oiseau de pluie est un roman qui nous immerge dans une ambiance fantastique, en illustrant de façon très particulière une histoire qui sonne comme une légende.


D’ailleurs, l’introduction a tout d’une légende, avec son action située ni géographiquement ni temporellement. Elle nous précise juste quelques caractéristiques de l’oiseau du titre. C’est un héron de belle stature qui fait la pluie et le beau temps selon son inspiration. On peut y voir le fait que, quoi qu’il arrive, la nature reste indomptable. Ainsi, l’homme doit s’adapter aux conditions météorologiques et non l’inverse. La question est de savoir si les progrès technologiques peuvent ou non changer la donne.


Une narration remarquable


Ensuite, nous avons deux parties avec deux histoires différentes. Mais l’auteur s’arrange quand même pour faire en sorte que ces deux histoires se rejoignent, grâce à l’évolution de ses personnages. Cela se passe à une époque indéterminée, dans l’immensité australienne, après un coup d’état qui restera bien vague tout au long du récit. Une femme (Ren) a trouvé refuge dans une montagne. Dans sa jeunesse, elle avait eu l’occasion d’accompagner sa mère dans une expédition où elle avait pu observer cet oiseau de pluie, alors que jusque-là elle ne croyait pas à son existence. Bien entendu, cette observation avait été une révélation. On peut supposer que c’est la raison pour laquelle Ren reste vivre là, malgré son extrême solitude. Mais, issus de l’armée à l’origine du coup d’état, des soldats patrouillent à l’occasion dans le coin. Pour une raison un peu floue, ils ont eu connaissance du fait que Ren sait à quoi s’en tenir à propos de l’oiseau de pluie. L’armée (où le gouvernement issu du coup d’état) y voit peut-être un moyen de contrôler le peuple en contrôlant les éléments. Toujours est-il que ces militaires veulent s’approprier l’oiseau de pluie.


Il s’avère que Ren se voit en gardienne absolue et déterminée de l’oiseau. Alors elle résiste à tout, quitte à y perdre la vie.


Nouveau secret


Une autre intrigue nous mène au cœur d’un village en bord de mer où les habitants sont spécialisés dans un produit qu’on ne trouve nulle part ailleurs : l’encre produite par les calamars, un produit aux propriétés étonnantes et fort appréciées. Or, ces pêcheurs utilisent un procédé particulièrement naturel pour récupérer cette encre, procédé dont ils gardent jalousement le secret. Arrive un homme (l’homme du nord) qui a en tête d’industrialiser cette pratique. Les villageois le font tourner en bourrique. Et si cette partie se termine dramatiquement, elle propose quelques moments sublimes, avec en particulier la façon dont une jeune fille découvre la façon dont les villageois récupèrent l’encre des calamars. Sa mère l’initie au secret ancestral de cette technique. Elle va de surprise en surprise et c’est tout simplement fascinant.


Relations humains/nature


On s’en doutait un peu, ici Robbie Arnott fait sentir que les tentatives humaines pour maîtriser, s’approprier la nature, sont vouées à l’échec. Il pousse le raisonnement jusqu’à considérer que ces actions ne peuvent qu’entraîner une violence désastreuse. Au contraire, il s’érige en défenseur de la transmission de tout ce qui fait les valeurs traditionnelles, de génération en génération. Il va même jusqu’à cultiver le goût du secret pour préserver ces valeurs de la cupidité humaine. De manière générale, la position de l’homme dans l’élément naturel est au centre de ce roman, ce qui nous vaut de nombreuses descriptions de qualité.


Ambiance mystérieuse


Le vrai reproche que je ferai à ce roman est qu’à la façon dont l’auteur décrit cet oiseau de pluie (ce qui nous vaut quelques moments remarquables), l’animal devrait être tout simplement insaisissable.


Or, pendant toute une partie, il voyage enfermé dans une cage. C’est d’autant plus étonnant, qu’il finit par en sortir à un moment où certes on cherche à le libérer, mais en passant à travers les barreaux métalliques de cette cage.


A part cette contradiction, le roman dégage un charme hypnotique qui doit beaucoup au style de l’auteur. Il faut dire aussi que la narration ne se contente pas d’intégrer quelques éléments à tendance fantastique, elle nous immerge dans une ambiance constamment mystérieuse qui fait que le roman se dévore littéralement.


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le 25 juil. 2025

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