C’est drôle, comme chaque lecteur à son seuil de tolérance. Après avoir parcouru quelques critiques de la Princesse de Montpensier, dont certaines évoquent un texte qui serait trop allusif, je rejette un œil au premier paragraphe de la Comtesse de Tende et j’en ai la confirmation : pour moi, c’est la Comtesse qui va trop vite. Sept phrases dans ce paragraphe, dont cinq au moins pouvaient – devaient ? – donner lieu chacune à une nouvelle.
Le style ? Guère différent de celui de la Princesse : goût pour la concision (« La passion de la princesse surmonta enfin ses irrésolutions » p. 76 en « Livre de poche »), pour le sous-entendu (« le Comte de Tende devint aussi amoureux d’elle que si elle n’eût point été sa femme », p. 82) et pour les phrases au vocabulaire plein et à la syntaxe tendue comme la corde d’un arc : « Madame de Tende avait trouvé, dans les commencements le prince de Navarre si plein de respect et elle s’était sentie tant de vertu qu’elle ne s’était défiée ni de lui ni d’elle-même, mais le temps et les occasions avaient triomphé de sa vertu et du respect et, peu de temps après qu’elle fut chez elle, elle s’aperçut qu’elle était grosse » (p. 83).
De ce style, et c’est là l’essentiel, naissent la cruauté des situations et l’ambiguïté des sentiments et de la morale – cf. le billet du comte à la comtesse, et la réaction de celle-ci (p. 87). C’est du style encore que vient le flou du contexte historique, ici traité comme les maîtres de la Renaissance traitaient leurs arrière-plans : au sfumato.
Alors pourquoi l’une des nouvelles a-t-elle pris et pas l’autre ? Il me semble que c’est une question de dosage. En compressant son intrigue, en réduisant aussi le nombre de personnages, Mme de Lafayette n’empêche pas seulement le lecteur de laisser reposer ses poumons et respirer son cerveau – ou l’inverse –, elle abolit les moments de flottement – considérations sentimentales ou Leitmotive semés sur quarante pages – qui font une partie du charme de la Princesse de Montpensier.
Et pourtant, je n’aime pas critiquer une œuvre à l’aune d’une autre.

Alcofribas
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le 31 janv. 2020

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