Entre écologie politique et pamphlet anticapitaliste

Si Ivan Illich a semblé être une personne très haute en couleur, sa pensée politique et sociale est largement à la hauteur de sa personne.


La Convivialité est un essai qui date désormais de plus de de 40 ans et tout au long de sa lecture, il est difficile de ne pas être bluffé par sa capacité à rester très actuel. Tout n'est évidemment pas à conserver, certains points semblent quelques peu désuets, mais dans l'ensemble, le tout se tient bien.


Ivan Illich a une capacité assez formidable a remettre en question des évidences. Les deux exemples les plus pertinents et certainement les plus solides sont certainement ceux de la santé et du transport. Sa critique viscérale de la vitesse comme argument central de l'inégalité et de la privation de liberté de l'homme est formalisée avec brio et dispose d'une solidité incroyable dans la mesure où elle est prophétique.
Sur la santé, la position d'Illich est à la fois brillante (spécialisation accrue, dépossession des soins, etc.) et très dangereuse (remise en question de la vaccination totalement dénuée de sens). Sa position sur l'école est tout aussi intéressante mais mérité un approfondissement via Une société sans école.


Outre ces points, Illich développe ce qu'il appelle "une société conviviale". Cette société, même après lecture, reste très difficile à formaliser, à imaginer, tant Illich reste flou (volontairement) sur ce sujet. Ce n'est pas à lui de la définir mais bien aux individus. Il se borne ainsi à proposer des outils, des systèmes, des préceptes qui pourront aider les individus à créer cette société conviviale. Par moment, on aurait presque l'impression qu'Illich se rapproche d'une société communiste, mais il s'en écarte au plus vite (parfois avec brio, parfois non).
Sa critique du capitalisme est enrichissante et ouvre des débats intéressants autour du "temps" alloué par l'homme à ces activités, sur la façon dont l'homme pense les rapports humains, sur la manière dont les socles de nos sociétés sont façonnés, modifiés au profit d'un mode de pensé unique et asservissant. Cela fait écho à Rutger Bergman pour qui, comme Illich, le capitalisme a réussi à aliéner les hommes au point de rendre impossible de penser nos sociétés autrement et de rendre l'utopie inexistante voire impossible.


Fondamentalement pessimiste, La Convivialité est un essai enrichissant, critique, qui vous fera vous arrachez les cheveux par moment tellement Illich triture nos sociétés.
Haut en couleur, son essai reste étonnamment d'actualité. Pour le compléter, les lectures de Energie et équité et Une société sans école sont évidemment les bienvenues !

Halifax
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Club FTL (Fourre Tout Livres) et La Sociologie (et ses voisins) est un sport de combat !

Créée

le 26 juin 2018

Critique lue 393 fois

4 j'aime

Halifax

Écrit par

Critique lue 393 fois

4

D'autres avis sur La Convivialité

La Convivialité
Halifax
7

Entre écologie politique et pamphlet anticapitaliste

Si Ivan Illich a semblé être une personne très haute en couleur, sa pensée politique et sociale est largement à la hauteur de sa personne. La Convivialité est un essai qui date désormais de plus de...

le 26 juin 2018

4 j'aime

La Convivialité
tmt
9

note de lecture

Illitch, penseur de la société industrielle, écrit en 1973 La convivialité. Il a déjà écrit notamment Energie et équité et Une société sans école, deux livres qui remettent en cause des institutions...

Par

le 19 juin 2019

3 j'aime

La Convivialité
belladonnne
9

Critique de La Convivialité par belladonnne

L'idée phare d'Ivan Illitch c'est l'entropie, disons le en un mot plutôt qu'en cent (et Dieu sait que c'est nébuleux au début). L'entropie des outils dans leur sens large : des outils manuels aux...

le 6 mars 2013

3 j'aime

Du même critique

1917
Halifax
9

Course contre la mort

France, 1917, une prairie. Première respiration et premier mouvement de caméra. A partir de maintenant et pendant presque 2h, cette caméra ne s’arrêtera plus de tourner, de monter, de descendre,...

le 8 janv. 2020

97 j'aime

7

Nous trois ou rien
Halifax
9

La pépite française de l'année !

ALLEZ-Y ! ALLEZ-Y !!!!!!! Pourtant, je pense qu'on a été beaucoup à se dire que "non, nous n'irons pas voir le film de Kheiron". Et pourtant... Ce n'est pas le film avec les meilleurs acteurs, ce...

le 7 nov. 2015

93 j'aime

5

Sicario
Halifax
7

Les dieux de la vengeance exercent en silence, traquant l'immoral au prix de la loi

Sicario c'est surement l'histoire d'une grosse attente et aussi d'un sentiment partagé lorsque l'écran s'est éteint. Partagé, très partagé même sur le coup. Sicario était plein de promesses, doté...

le 26 oct. 2015

68 j'aime

7