“I flatter myself, at times, that though among them, I am not of them.”

The Tenant of Wildfell Hall (La dame du manoir de Wildfell Hall, en français) fait parti de ces livres qui, après en avoir tourné les dernières pages, vous laissent dans un état second devant tant de génie.
Certains pourraient se dire que le sujet semble avoir déjà été exploré de nombreuses fois : une femme, Helen Huntingdon, décide de fuir son mari alcoolique et débauché pour sauver son fils; mais c'est sans compter sur le talent d'Anne Brontë qui fait de ce scénario quelque chose de grandiose et profond.
L'auteure offre ici une vision cruelle et sans concessions, mais toujours juste, des rapports humains et plus précisément sur les liens du mariage en pleine époque victorienne. Toutefois, ce qui frappe dès les premiers chapitres, c'est sans conteste la profondeur incroyable des personnages que l'auteure fait évoluer à travers une "framed-narrative" narrée à travers différents points de vues et qui tient en haleine le lecteur, ce dernier ne pouvant que se poser des questions sur ce qu'il va advenir des personnages à qui il s'est assurément attaché. Car oui, comment ne pas se prendre d'affection pour le personnage d'Helen Huntingdon ? Femme cultivée, réfléchie et intelligente, cette dernière tombe sous le charme de celui qui deviendra son mari et qui abusera d'elle pendant de longues années, la torturant psychologiquement sans relâche, pour la punir et lui rappeler "qu'elle n'est qu'une femme". Mais la force de ce personnage est que, malgré les humiliations, les déceptions, les souffrances et les peurs auxquelles elle doit faire face, cette dernière continue de faire preuve de vertu et de bonté pour le monde qui l'entoure, ne tombant jamais dans la débauche dont fait preuve son mari ou dans un chagrin qui lui serait fatal. Ainsi, prenant des décisions par et pour elle-même, Helen ne se pliera jamais à la tyrannie dont fait preuve son mari à son égard.
Il semble alors clair que ce roman est assurément un discours féministe, dans lequel sont dénoncées l'hypocrisie et l'absurdité des valeurs de la société victorienne à l'égard des femmes, toutefois, il est important de préciser que The Tenant of Wilfdfell Hall est en réalité bien plus qu'un simple réquisitoire contre les injustices faites à celles qui se doivent de répondre aux attentes de la société et d'être des femmes et des mères modèles, pour être considérées comme dignes d'exister.
C'est aussi un discours qui s'attarde sur les hommes, mais non pas pour les décrire uniquement sous un jour négatif. Il y a dans ce roman des hommes bons (comme il y a des femmes aussi terribles que le mari d'Helen), capables d'aimer une femme pour ce qu'elle est et non pas comme un simple faire-valoir ou par obligation. C'est ainsi qu'Anne Brontë fait évoluer des personnages diamétralement différents, à l'instar d'Arthur Huntingdon et Gilbert Markham ou encore
Millicent Hattersley et Lady Lowborough, pour illustrer toute l'absurdité du monde dans lequel elle vit et ceci est une véritable prouesse car jamais le lecteur ne se perd ou s'ennuie pendant les 500 pages qui composent le roman tant les protagonistes sont frappants par leur réalisme et profondeur ainsi que par leurs interactions, jamais gratuites et superbement bien écrites.
D'autres pourront dire que The Tenant of Wildfell Hall est, malgré la fin, un roman très pessimiste sur les liens entre les hommes et les femmes, mais ce n'est pas le cas. Même si Helen a malheureusement contribué à créer son propre cauchemar en donnant son amour à un homme qui ne la méritait pas et que le désespoir est bien réel pour elle, par sa seule volonté et vertu, cette dernière décide de se battre pour ce qu'elle croit juste et bon en faisant fi des regards réprobateurs à son égard. Tout serait alors question de bons sens et de volonté pour tendre vers ce qui semble être juste et bon. Et Anne Brontë montre bien que cela ne dépend pas du sexe - les hommes et les femmes sont égaux dans leur bêtise mais aussi dans ce qu'il peut y avoir de meilleur en eux.


The Tenant of Wildfell Hall est peut-être devenu mon livre favori (lu en VO) car jamais pour l'instant une oeuvre, aussi complète et bien écrite, ne m'avait autant touché. Anne Brontë touche ici à de nombreux thèmes, à ce qui nous meut tous, à l'universel pourrait-on même dire, et c'est bien ça qui en fait un véritable chef d'oeuvre.

Mizunokisu
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le 30 mars 2017

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