Lire de la littérature islandaise n’est pas une occasion qui se présente très souvent alors, puisqu’une Masse Critique s’annonçait, pourquoi ne pas la saisir ? M’étais-je dit le mois dernier. Ce serait, au moins, une découverte certaine avec ce lointain pays scandinave dont on sait finalement assez peu de choses.

Oh, comme j’ai eu tort ! Si j’avais su ce dans quoi je m’embarquais, toutes mes excuses à l’éditeur, l’auteur, aux organisateurs, mais, je n’aurais jamais signé. La quatrième de couverture me laissait pourtant redouter le pire : une vieille sur un ordinateur dans un garage pour le côté badass, un retour fantaisiste sur la seconde guerre mondiale pour l’aspect provocateur, et on obtient évidemment un parfait titre de rentrée aux allures vaguement intellectuelles. C’est dit, il y aura du concept, de l’Histoire, des discours moralisateurs, tout ce qui peut inciter n’importe quel chaland à l’achat. La couverture donnait également le ton. J’aurais dû suivre mon intuition. Mais, comme je ne l’ai pas fait, je suis bien obligée de tenter la critique d’un livre que je n’ai ni aimé, ni terminé. Pardonnez-moi encore, je mets généralement un point d’honneur à aller au bout de mes romans, mais 630 pages grand format de cette teneur étaient au-delà de mes forces. Mon cerveau en est arrivé à ce point critique où il refusait tout simplement de lier les mots les uns aux autres pour faire sens.

Pourquoi ? Simplement parce que, si on retire la toile de fond de la maigre architecture de cet ouvrage, tout tombe à terre et on ne rencontre que du vide, des lieux communs à la pelle, une trame historique douteuse, une psychologisation ratée et une assez détestable fausse modestie de la part de l’auteur comme du personnage principal.
Mis à part pour l’aspect « cool », l’idée d’une vieille femme geek dans un garage n’apporte absolument rien à l’affaire. Le concept peut faire sourire un moment, c’est bien, il fallait y penser ! L’auteur surfe sur une mode, sur un genre de fantasme qu’il essayera de nous rappeler à chaque page qui se déroule dans le présent. Le problème, c’est que non seulement, l’originalité est assez creuse, mais en plus, loin d’être sympathique, le caractère forcé de la pauvre Herra devient vite insupportable. Ce n’est rien d’autre qu’un archétype, celui du personnage féminin qui se veut fort, dominateur, au point d’en devenir ridicule. Et, très franchement, qui s’intéresse à ses histoires de trolling sur internet ? Elle se fait passer pour une femme sexy pour se moquer de vagues pervers ? Bien ! Hilarant ! J’ai fait pareil à 13 ans… Pas à ce point certes, mais ça fait toujours rire les collégiens. Pour le côté super classe, on va repasser. Je crains que l’auteur n’ait qu’une piètre idée de ce monde. On sent bien qu’il essaye. Mais, non, vraiment, il faut repasser, ça n’est pas “cool” un seul instant.
Et je ne vous cite bien sûr qu’un détail parmi toutes les choses qui m’ont donné envie de jeter ce livre par la fenêtre. Entre les discours gratuitement misandres sur tous ces hommes vraiment stupides qui lui sont passés dessus et une psychologie faiblarde du pourquoi devient-on nazi, agrémentée de grands moments de lucidité tels que « et pourtant, dans le fond, il n’était pas si méchants. », il y a de quoi pleurer de désespoir.

Donc, nous disions, la vieille dans le présent ne sert à rien, et, de toute façon, elle sait se rendre assez haïssable pour bloquer tout sentiment de compassion. C’est peut-être un peu ma faute aussi, mais je n’aime pas me faire imposer 630 pages par une vieille peau narcissique. La construction du récit elle-même, n’est également qu’une question de concept. ça brasse l’air, ça donne l’impression de mouvement, au milieu d’un vaste désert. Les allers/retours incessants d’une époque à l’autre apportent bien peu de choses, une nouvelle réflexion inutile, tout au plus. Aucune intrigue réelle ne se met en place. A aucun moment, on ne va se demander comment le personnage est arrivé à telle ou telle situation. ça ne marche pas. On s’en fiche relativement. Et puis, à force de nouvelles scènes toutes plus invraisemblables les unes que les autres afin de nous montrer sans le moindre sens de la mesure que cette dame a une vie exceptionnelle, on finit par se taper le crâne en se demandant, pourquoi, mais pourquoi donc 600 pages pour essayer désespérément d’avoir l’air cool ? A ce stade, c’est un peu symptomatique non ?

On rira peut-être des grands moments de ridicule moralisateur. Herra enfant qui reste bloquée 3 jours le bras levé pour le salut nazi après avoir été traumatisée par un allemand… Non. Je veux qu’on arrête ce massacre. Ce serait drôle si le récit était d’un burlesque assumé, mais je vous assure, je le crains, Helgason est très sérieux et se croit malin.
Puisqu’il n’y a donc rien attendre de ce récit, aucune intrigue, que l’on connaît d’avance la fin : elle va mourir, le lecteur sera enfin libéré, je doute aller plus loin. Après 400 pages de lectures à sans cesse espérer une sorte de retournement de situation, je ne m’attends pas à la moindre nouveauté, tous les chapitres suivent des segments relativement semblables, c’est d’une platitude affolante.
D’habitude, j’essaye de rester un minimum objective… Cette critique fait exception parce que… enfin… Je ne suis pas assez cruelle pour vous conseiller de voir par vous-même, il y a 600 pages, ça représente tellement d’heures de lecture plus constructives.

Néanmoins, comme je ne suis pas tout à fait vilaine, je terminerai sur des points positifs qui m’ont assez intéressée au début du roman. Du point de vue d’un français, il est toujours assez intéressant d’avoir un aperçu de ce qu’a pu être la situation des islandais pendant la seconde guerre mondiale. J’ai aussi beaucoup apprécié les comparaisons entre les scandinaves et le reste du monde, les islandais et les autres scandinaves. Pour avoir frayé avec cette culture d’assez près, je peux au moins dire qu’à ce niveau, les piques touchent juste et amusent réellement qui connaît le sujet. Après, pour faire dans la mauvaise foi, évidemment, on pourra dire que n’importe quel islandais serait capable d’en faire de même.
Pour conclure ? Helgason est peut-être très sincère dans sa démarche, mais j’ai quand même l’impression qu’il se moque un peu du monde.
Barbelo
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le 24 août 2013

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