Je vous propose une réflexion toute simple:
imaginez que vous soyez né en Chine, au milieu du siècle dernier,
de préférence dans un coin bien reculé, oublié des fonctionnaires/tortionnaires de la grande époque du Grand Bond en avant et de la Révolution Culturelle, dans un tout petit village, pas plus de 150 âmes qui malgré tout leurs efforts, leurs mérites ou même leurs qualités savent avec certitude qu'elles ne dépasseront jamais, jamais leur quarantième anniversaire.
Que feriez-vous ?
Inutile de pleurer, se lamenter, trépigner, se coucher et ne plus bouger....non.
Il vous faudra vous marier jeune, faire beaucoup d'enfants très vite, même si certains vous sembleront un peu...ratés, il faudra vous accrocher à la terre pour qu'elle vous donne de quoi nourrir votre famille malgré sa qualité plus que douteuse, il vous faudra en cas de famine aller vendre votre peau pour quelques yens si vous êtes un homme et votre corps si vous êtes une femme.
Il vous faudra surtout accepter sans broncher la fin qui s'annoncera avant vos quarante ans, sous la forme d'une maladie fulgurante et mystérieuse: la maladie de la gorge obstruée.
Vos voisins vous enterreront avec le peu dont le village dispose: un seul cercueil récupéré après chaque cérémonies.
Mais ne vous inquiétez pas avec la mort c'est le bonheur que vous allez enfin atteindre...c'est promis.
Yan Lianke avec ce roman nous transporte avec brio, dans un monde inconnu, un pays pétrit de croyances et de magie, dont les habitants attachants, violents, aimants sont bien loin des habituels clichés.
Son écriture poétique, parfois crue, souvent d'une violence extraordinaire pour nous lecteur, n'a pas d'équivalent pour moi là, tout de suite.
Ses descriptions de paysages sont toutes de couleurs et de saveurs, celles des sentiments : de bruits et de fureurs.
J'ai trouvé un maître du récit, ça faisait longtemps que ce n'était pas arrivé.



La pluie cesse. Le ciel s'éclaircit. Deux ou trois jours encore et le
printemps s'en vient tout recouvrir. La montagne s'éveille
complètement.
Le vert tendre des jeunes blés teinte les crêtes dont on
ne voit déjà plus la couleur rousse. même le soleil déverse une
lumière verte, toute de sève printanière. Cela se sait: Lan shishi
part faire commerce de chair pour Sima lan.... Il fait beau depuis
trois jours, et on l'a vue se faire faire une nouvelle robe rose à la
mode. On est le 9 du mois, et si sortir de chez soi le 7 ou le 8 porte
malheur, le 9 est un jour faste; oui, c'est certainement aujourd'hui
qu'elle va partir.


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le 31 mai 2015

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Kalimera

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