Un solide ouvrage qui donne les principaux éléments de compréhension de cette effroyable guerre que fut la guerre de sécession (civil war pour nos amis américains) pour tout néophyte en la matière.


Bruce Catton écrit comme un roman le récit de cette épisode tragique américain qui fut un traumatisme sans précédent, et dont les causes et conséquences marquent encore aujourd'hui largement le paysage politique et sociétal américain: clivage nord-sud, racisme, etc. Pour se rendre compte de l'ampleur de ce désastre, il faut avoir à l'esprit que cette guerre fit plus de victimes américaines que toutes les autres guerres réunies dans lesquelles les USA furent engagées (Guerres mondiales, Vietnam, etc). Là où le point de vue européen-centré est obsédé par les cataclysme des guerres mondiales, la société américaine est beaucoup plus traumatisée par sa civil war.


Catton déroule son récit de manière chronologique en prenant comme départ l'élection du républicain Lincoln en 1860 qui décida les Etats du Sud, avec la Virginie en figure du proue, à déclarer leur indépendance. Les raisons furent avant tout économiques: les Etats du Sud vivaient principalement de la culture du coton, et dépendaient donc d'une main d'oeuvre servile, les esclaves, et souhaitaient une politique libre-échangiste pour exporter leur coton en Europe. Le Nord, industriel, voulait lui des tarifs protectionnistes pour protéger ses manufactures des produits européens. De plus, même si ce n'était pas la raison principale, de nombreux Yankees commençaient à s'insurger contre l'inhumanité de l'esclavage.


Avec cette toile de fond, les Etats du Sud déclarèrent leur indépendance en 1860, et Lincoln décida immédiatement de réduire cette rébellion par la force. Catton montre bien le contraste entre un Lincoln qui à la surprise général sut gouverner avec force et intelligence, s'entourant de conseillers difficiles à manoeuvrer mais utiles, prenant des mesures énergiques (suspension de l'Habeas Corpus!) et un Jefferson Davis plus timoré, prenant de mauvaises décisions. Catton oppose également la figure des deux grands généraux de cette guerre, Lee et Grant, tout deux géniaux à leur manière et qui contribuèrent chacun aux victoires militaires de leurs camps.


Catton montre toutefois que ce combat était presque perdu d'avance, avec un Sud deux fois moins peuplé, très peu industrialisé, qui souffrit d'un blocus maritime dès le début. Ce qui causa sa perte fut également le choix de Richmond comme capitale, situé à moins de 50 kilomètres des lignes Yankees, et qui força l'armée sudiste à une certaine myopie concernant le front militaire et à privilégier coûte que coûte le renforcement du front en Virginie.


Catton déroule au cours des quatre années de la guerre les différentes étapes de la campagne qui virent le Nord logiquement resserrer peu à peu l'étau avec en leitmotiv la question de l'abolition de l'esclavage et la Reconstruction prévue par Lincoln dès 1863. Il rend hommage à la vision politique de ce dernier, qui fut cependant (on l'oublie aujourd'hui!) contesté tout le long de son mandat, tant par les abolitionnistes extrémistes que par les nordistes ayant des sympathies pour le Sud. Sa vision politique (et militaire, qui ne put s'incarner qu'à la fin de la guerre dans Grant) fut de préserver l'Union coute que coute tout en préparant la réconciliation avec le Sud, tâche qu'il savait être périlleuse. Le livre termine sur sa mort, quelques semaines après la fin de la guerre, qui le transforma définitivement en héros de la mythologie américaine.


A travers ce conflit, Catton nous fait découvrir la peut-être première guerre moderne, avec le transport de troupes par voies ferrées, les cuirassés, l'usage du télégraphe pour les communications, les premières boucheries (Gettysburg), qui préfigureront les charniers de la première guerre mondiale. Il montre également les premières germes qui allaient conduire à la Lost Cause, ce mythe sudiste nostalgique romantisant la société chevaleresque du sud et mettant en sourdine l'épineuse question de l'esclavage; un mythe structurant encore les clivages politiques américains et que l'on peut retrouver sublimé à l'écran par Autant en emporte le Vent.

lecrusaderking
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le 3 févr. 2022

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