John Prados War

N’ayant qu'une connaissance assez relative de la guerre du Viêt Nam, il me fallait un ouvrage traitant du sujet de manière globale tout en entrant dans les détails pour mieux connaitre ce conflit, qui fut sans doute le plus marquant de la 2e moitié du XXe siècle.

Et pour cela, quoi de mieux que de s'attaquer à La guerre du Viêtnam de John Prados ? Celui-ci est en effet un spécialiste du sujet, reconnu dans le monde entier. Cette guerre, il l'a vécue personnellement : d'abord partisan de l'intervention américaine, il a ensuite basculé dans l’opposition absolue à ce conflit. John Prados n'hésite pas à nous raconter comment il s'est investi contre la guerre, et il a commencé à publier des travaux dessus alors qu'elle n'était pas encore terminée.

Mais commençons par le début : le premier intérêt de La guerre du Viêtnam, c'est qu'il présente très bien les origines du conflit, en faisant débuter son ouvrage à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais il est intéressant de noter que par exemple en 1954 Eisenhower a été à deux doigts d'intervenir aux côtés des Français. Ou encore que Kennedy ne voulait probablement pas se retirer du Viêt Nam contrairement à ce que sa fanbase croit.

En effet, il ne faut pas attendre 1964 pour voir les premiers Américains fouler le sol du Sud Viêt Nam : dès la fin de la guerre d'Indochine, les États-Unis vont se lier au régime sud-vietnamien. John Prados met bien en évidence le fondement idéologique des présidents qui se succédèrent à la Maison-Blanche : ils ne furent jamais officiellement en guerre contre le Nord Viêt Nam, puisque c'était le risque d'une Troisième Guerre mondiale. La justification de la guerre était difficile, et passait par l'anticommunisme ou la volonté de récupérer les prisonniers (Nixon).

Sur l'aspect des motivations des belligérants, John Prados remplit son contrat. Le lecteur comprendra très bien les décisions politiques et militaires qui ont été prises durant le conflit. Cependant, je trouve que La guerre du Viêtnam pêche sur certains points.

D'abord, il est un peu trop américano-centré. Beaucoup de choses sur la politique aux États-Unis, sur l'opposition américaine à la guerre. Mais quasiment rien sur ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Et surtout, peu de choses sur le Nord Viêt Nam (comment la guerre y était-elle perçue ?). Par contre, John Prados décrit très bien le gouvernement catastrophique des dirigeants du Sud Viêt Nam, avec les nombreuses erreurs commises.

L'ouvrage ne contient aucune illustration (si ce n'est la couverture), et quelques cartes pas toujours très claires. Par exemple, l'auteur nous parle souvent de la région des Hauts plateaux, mais jamais on ne saura où elle est située. Il aurait été bien de faire un point sur la géographie du Viêt Nam, et même sur celle de l'Indochine.

De plus, je trouve que ce livre n'est pas toujours évident à lire : à certains moments, la chronologie est assez confuse, il y a énormément de personnes, mais il aurait fallu par exemple des schémas pour nous présenter les différentes administrations américaines pour permettre au lecteur d'y voir plus clair et de mieux retenir ces personnes. Enfin, à mon goût, La guerre du Viêtnam ne s'intéresse pas assez à ce qui se passait sur le terrain : la guerre et la vietnamisation auraient mérité d’être traitées un peu plus.

John Prados nous livre un récit très personnel, peut-être un peu trop, où son objectif semble surtout de dérouler une argumentation solide visant à couper l'herbe sous le pied à tous ceux qui affirment que d'une façon ou d'une autre, la guerre aurait pu être gagnée. C'est un but louable, mais pas tout à fait ce à quoi je m’attendais en commençant le livre.

La guerre du Viêtnam est indéniablement un bon ouvrage, qui s'appuie sur un inventaire impressionnant de sources, et qui est une analyse globale de référence. Mais il n'est pas accessible à n'importe quel lecteur, et si vous cherchez avant tout à lire quelque chose sur la guerre au Viêt Nam, certains aspects du livre pourront vous décevoir.