Artémis haïtienne

Quelle trilogie magistrale!

J'avais émis quelques réserves sur le diptyque Tobie Lolness, qui, bien qu'offrant à ses lecteurs un univers foisonnant, développait trop peu ses personnages.

Elles sont toutes dissipées ici. 3 tomes, 1 200 pages, ça laisse évidemment beaucoup plus de place à Timothée de Fombelle pour dérouler son intrigue et y placer ses héros avec une précision chirurgicale.

Chacun évolue, suit sa quête, croise ou manque un de ses congénères comme cela semble être prévu depuis le début par l'auteur. Tous les fils se délient petit à petit et aucun personnage n'est laissé de côté.

La force de cette trilogie est d'avoir réussi à mêler un récit d'aventure avec une fiction historique extrêmement bien documentée.

Ainsi, dans le premier tome, c'est quasiment une histoire de pirates que l'on nous raconte. La vie à bord de la Douce Amélie nous est presque aussi bien décrite que dans Master and Commander, sauf que nous sommes dans un navire négrier.

J'ai donc été emporté dans le tourbillon de l'aventure et par l'ignominie du monde esclavagiste décrit.

Moi, si je devais faire un cauchemar, je me réveillerais blanc à Saint-Domingue. Je me retournerais dans mon lit mouillé de ma sueur. Et je me dirais tout à coup: "Il y a cinq-cent-mille noirs sur mon ile et vingt-cinq-mille blancs". Je me réveillerais en sursaut avec cette peur. Je me dirais: "Nous sommes vingt fois moins nombreux que ces noirs". J'allumerais ma bougie en tremblant et je découvrirais autour de mon lit vingt hommes et femmes en armes. Voilà ce que serait mon cauchemar de blanc.

Du côté des personnages, même si Alma et Joseph sont de bons personnages principaux, ni trop caractérisés ni trop lisses, les deux personnages qui resteront dans ma mémoire sont:

-Jean Saint-Ange, comptable bien sous tout rapport, capable du pire pour arriver à ses fins.

-Amélie Bassac, femme forte en avance sur son époque, qui passe les trois tomes à ne faire que des bons choix, mais qui reste néanmoins propriétaire d'une exploitation sucrière à Saint-Domingue, et donc esclavagiste. On souhaite sa réussite tout en sachant que son succès causera la souffrance de centaines d'esclaves.

Laissez-vous simplement faire ce soir. Signez sans croire que vous avez perdu. Nos enfants recevront un jour tout cela, dit Saint-Ange. Ils auront vos yeux et mon argent.

Je retiens aussi Poussin le charpentier, madame de Lô la préceptrice, Sirim la princesse déchue, il y en a tant. En bref, un formidable récit d'une grande ampleur, qui, malgré son sujet, réussit à n'être pas trop didactique.

Je le conseillerais plutôt à des ados gros lecteurs, et bien entendu à n'importe quel adulte qui aime être happé par le souffle d'une épopée.