La liste de mes envies réactionnaires
Quand un bouquin remplit les étals, qu’il se place en tête des ventes dans les grandes surfaces et ailleurs et qu’il ne redescend pas le classement, même si on n’a pas trop envie, même si le pitch tel qu’il est écrit sur la quatrième de couverture n’est pas alléchant, on finit par se laisser tenter. On se dit qu’on trouvera bien la raison qui fait son succès.
On le lit. Et ça va très vite. 130 petites pages au format numérique, à peine plus en version papier. Des chapitres courts, des phrases encore plus.
Il faut admettre que la lecture de ces quelques pages est plaisante. Même si l’auteur, comme beaucoup, a tendance à flanquer ses personnages de ses passions, au premier rang desquelles on trouve, comme c’est étonnant, la littérature, on navigue sans peine. Parfois même, on sourit.
Ensuite, il faut constater les incohérences. Elles se manifestent dans les jugements et au détour de quelques phrases. « Tu en sais des choses Jo » pense la narratrice au sujet de son mari, dont elle avoue quelques lignes plus tard qu’il ne connaît pas tous les mots. Et qu’il n’aime pas trop les débats. Mais heureusement, il maîtrise la peinture et ses classiques. Bref.
Il faut aussi relever que l’héroïne est un peu pénible. Elle aime bien radoter. L’auteur aussi du coup. On ne peut s’empêcher de se faire un peu chier. Parce qu’il répète. Et il répète. Et au bout d’un moment, il répète encore. Le pire étant que ces répétitions n’apportent rien. Elles ne font que confirmer que Jocelyne, la narratrice, a une vie de merde et qu’elle est empêtrée dans ses histoires et non-histoires merdiques issues d’une histoire un peu pourrie, comme la vie de chacun de nous, ceux qui vivent en dehors de Paris.
Enfin, et c’est une conséquence de cette vie de merde, l’auteur, qui aime poser des questions d’argent, puisque c’est le coeur du roman, campe ses personnages comme des pauvres, et des pauvres cons. Ils ont beau être humbles (encore heureux, ils sont pauvres, manquerait plus qu’ils soient arrogants), ils accumulent les tares de leur classe. Ils ont bien intériorisé que l’argent c’est le mal. L’auteur le serine, et le démontre, puis le montre, puis vous ouvre la gueule au forceps pour vous l’enfoncer via un entonnoir, comme une foutue oie juste avant noël. L’argent c’est mal. Quand on est pauvre et qu’on devient riche, on a tout à perdre. De toutes façons, on ne saurait pas quoi en faire, nous les pauvres. Il vaut mieux que nous le restions. Pauvres. Pauvres et misérables, honteux d’être provinciaux, dans nos apparts miteux et nos bagnoles d’occase, avec nos rêves mesquins et matérialistes, nos corps de beaufs, notre esprit étriqué. Tout ça n’est tellement pas parisien.
Voilà ce qui fait rêver : voir ou lire nos homonymes, nos alter egos, nos semblables rater ce que nous ne pouvons réussir. Plutôt que de viser haut ensemble, battons-nous pour que, dans notre entourage, rien ne change, rien n’évolue.
Dernier point enfin, et non des moindres : la liste de mes envies semblait traiter d’une gagnante au loto. En fin de compte, tout le roman tourne autour de la trouille et des états d’âme d’une femme qui ne fait rien à part travailler. De toutes façons, c’est bien connu, le travail, pour réussir, il n’y a que ça de vrai.