Nous voilà reconfinés comme en l’an 20. Me revoilà en bonne parisienne qui se respecte dans le sud de la France, ayant l’irrespect, l’égoïsme, la malveillance de fuir un 13m2 dont l’humidité ne fait le bonheur que de mes plantes tropicales.
Peut-être, si j’étais restée, un nénuphar aurait-il élu domicile dans mon poumon. Ou alors aurais-je élu domicile à Davos dans un sanatorium au sommet d’une montagne magique.


Mais alors ma situation n’aurait pas été très différente de maintenant. J’aurais été très réfractaire à l’idée de passer autant de temps sans sortir, sans faire la fête, sans voir le monde. Puis ça serait passé. J’aurais pris la routine, me serais adaptée à cette vie monotone. Je me serais sentie protégée par les mêmes visages familiers jour après jour et les mêmes horaires à respecter… Et j’aurais peut-être fini par avoir peur de ressortir, peur de guérir, peur de vivre … Comment faisais-je avant ? Pour supporter tout ça, supporter le monde d’en-bas, le dehors, supporter l’autre qui me heurte, qui m’oblige à sourire quand je n’en ai pas envie. L’autre qui est malade ou qui ne l'est pas.


Le temps aurait été le même aussi. Confinement ou montagne magique, il file entre les doigts. N’avez-vous pas remarqué que l’on a arrêté de compter la vie en jour. On la compte en semaine, presque en mois. Au premier confinement, cela m’a effrayé. Aujourd’hui, non. Parce que j’ai lu Thomas Mann et qu’il m’a expliqué : « Le vide et la monotonie allongent sans doute parfois l’instant ou l’heure et les rendent « ennuyeux », mais ils abrègent et accélèrent, jusqu’à presque les réduire à néant, les grandes et les plus grandes quantités de temps. Au contraire, un contenu riche et intéressant est sans doute capable d’abréger une heure, ou même une journée, mais, compté en grand, il prête au cours du temps de l’ampleur, du poids et de la solidité, de telle sorte que des années riches en événements passent beaucoup plus lentement que ces années pauvres, vides et légères que le vent balaye et qui s’envolent ».

Jojolapino
7
Écrit par

Créée

le 7 nov. 2020

Critique lue 402 fois

5 j'aime

3 commentaires

Jojolapino

Écrit par

Critique lue 402 fois

5
3

D'autres avis sur La Montagne magique

La Montagne magique
Christelle_Jechanted
9

Plongée hors du temps commun

Davos, c'est déjà un petit village isolé dans une petite vallée, à l'extrême est de la Suisse (au début du siècle dernier, pas de forum économique mondiale, et nul hélicoptère ne pouvait déposer les...

le 1 mars 2017

11 j'aime

1

La Montagne magique
JulieToral
7

Le temps suspendu, lâché, poursuivi, retrouvé

On y arrive plein d'émerveillement et de curiosité, par le train. Il faut imaginer les montagnes suisses qui vous entourent, vous dépassent, vous élèvent alors que vous passez la tête par la porte...

le 30 déc. 2013

6 j'aime

2

La Montagne magique
Noemiemt1
10

Aegroto dum anima est, spes est

"Tant que le malade a un souffle, il y a de l'espoir". La Montagne magique, c'est ce pavé signé d'une proche qui trônait sur mon étagère, me regardant d'un œil hagard l'air de dire "je ne te mérite...

le 9 mars 2018

5 j'aime

3

Du même critique

Insomnie
Jojolapino
9

Critique de Insomnie par Jojolapino

Souvent, j’ai ce livre au fond de la bibliothèque qui n’attend que d’être lu. Mais je le garde patiemment. Je le garde comme un trésor, car je sais déjà que je vais l’adorer. Je l’aime déjà. Quand...

le 20 avr. 2020

6 j'aime

6

La Montagne magique
Jojolapino
7

Critique de La Montagne magique par Jojolapino

Nous voilà reconfinés comme en l’an 20. Me revoilà en bonne parisienne qui se respecte dans le sud de la France, ayant l’irrespect, l’égoïsme, la malveillance de fuir un 13m2 dont l’humidité ne fait...

le 7 nov. 2020

5 j'aime

3

Eugène Onéguine
Jojolapino
9

Critique de Eugène Onéguine par Jojolapino

Par une fulgurance, l’envie de lire Eugène Onéguine m’est venu. C’était maintenant, c’était tout de suite et ça ne pouvait plus attendre. Pourquoi à mes 22 ans et 6 mois de vie, il ne me semblait...

le 20 avr. 2020

5 j'aime