« Voici une lettre écrite par l’assassin lui-même, mes chers amis ! » HERCULE POIROT

Durant la Première Guerre mondiale, Agatha Christie s'engage dans un détachement d'aide volontaire comme infirmière bénévole dans un hôpital de la Croix-Rouge, puis en 1916 comme assistante-chimiste dans une pharmacie d'un hôpital militaire et obtient son diplôme de pharmacienne en avril 1917. La préparation de nombreux remèdes pour les blessés lui permet de se familiariser avec les poisons et autres drogues.

Pendant son temps libre, Agatha Christie écrit son premier roman policier : The Mysterious Affair at Styles, à la suite d'un pari avec sa sœur. Elle qui n'avait jamais écrit un livre précédemment, ne pourrait pas écrire un roman policier dans lequel le lecteur serait incapable de détecter le meurtrier, même en ayant tous les indices en main comme le détective de l'histoire.

Toujours en 1917, son mari rencontre vite des difficultés financières, aussi voit-elle dans la publication de son texte un moyen d'augmenter les revenus du couple. Agatha Christie propose son manuscrit à six éditeurs différents, qui refusent tous de la publier, peu sûrs de son talent. C'est seulement trois ans plus tard, en 1920, que la maison d'édition Bodley Head accepte de publier le roman.

Dans ce roman comme dans plusieurs autres, le poison est l'arme du crime. Agatha Christie, qui a travaillé comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale comme dit plus haut et a vu les effets de nombreuses substances médicamenteuses sur les blessés, s'est en effet documentée sur le sujet, n'hésitant pas, plus tard, à correspondre avec telle ou telle sommité médicale pour vérifier si ses hypothèses sur l'effet de tel ou tel poison étaient plausibles, avant de les utiliser dans la trame de ses romans.

Tout le problème d'un bon roman policier, c'est qu'il doit y avoir un coupable évident, dont on doit découvrir, pour une raison quelconque, que sa culpabilité n'est pas si évidente que ça et même qu'il n'a pas pu commettre le crime dont on l'accuse. Bien qu'au bout du compte, et cela va sans dire, ce soit bel et bien lui qui ait fait le coup.

Cette citation de Agatha Christie reflète parfaitement son premier roman policier et celui-ci est le parfait exemple du « Détective en fauteuil » ou « Armchair detective » de l'époque avec un roman dont le lecteur possède toutes les clefs afin de démasquer le coupable avant les ultimes pages. Ce procédé est justement le point fort de l'oeuvre de Agatha Christie, rendant son oeuvre intemporelle. Le lecteur ne subit pas le livre en simple spectateur, mais se retrouve à analyser les indices, à se lancer dans des conjectures parfois farfelues comme celles de Hastings avant de voir la solution dévoilée par la scène finale de la grande réunion de Hercule Poirot.

C’est dans The Mysterious Affair at Styles que Hercule Poirot apparaît pour la première fois. Déjà fidèle à lui-même, Poirot va amorcer sa fameuse machine à neurones, développant ainsi une perspicacité redoutable, un acharnement très prévenant, une observation quasi infaillible ainsi qu’un colossal sens de la déduction. Placer les pièces d’un puzzle pour résoudre une enquête prend ici tout son sens.

Hercule Poirot cherche, observe, analyse, déduit, s’entretient et, ensuite, il sait. C’est indéniable ! Notre narrateur, le brave capitaine Arthur Hastings, ami de la famille de la défunte et petit détective en herbe, a de quoi devenir fou à force d’échanger avec Poirot. Ce dernier teste continuellement ses interlocuteurs, et ce sans en avoir l’air. Toujours très amical, serviable, avenant, mais aimant conserver en son for ses petites idées et déductions…

Agatha Christie, également fidèle à elle-même, nous offre une ambiance, une atmosphère, un lieu clos où déambulent des protagonistes aussi fourbes que dignes de confiance. Cette politesse et délicatesse, très british, nous rendent des personnages bien lisses, respectables et même honorables pour certains. C’est typiquement dans ce genre de contexte social qu’il ne faut surtout pas se fier aux apparences. Des faits, rien que des faits, nous dirait Hercule Poirot !

Le dénouement relève du génie. Tous les détails, les infimes détails, sont passés au crible par un Hercule Poirot qui nous dévoile tout. Pourquoi j’emploie le terme « génie » ? Car Agatha Christie n’insère dans son récit que des éléments qui ont une influence concrète sur l’évolution de l’intrigue et pas de surplus.

Dans cette histoire, il n’y a aucune scène qui sert de remplissage. Cela donne presque le vertige. Le porte-parole de l’auteure, Hercule Poirot, nous le confirme d’ailleurs d’une manière bien théâtrale au terme de ce récit. Agatha Christie manipule ici la loi anglaise avec brio, en jouant sur quelques failles ou subtilités.

StevenBen
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le 7 sept. 2023

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Steven Benard

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