Je ne suis pas un grand fan des romans policiers, de manière générale. Mais force est de constater que mes rares amis lecteurs de polars ont quand même très bon goût, puisque les deux recommandations que j'ai accepté de lire se sont révélées formidables. La première, c'était "Le Dahlia Noir" d'Ellroy, véritable chef-d'oeuvre. La deuxième, c'était la saga des Dave Robicheaux par James Lee Burke.
Je vous le donne en mille, "La Pluie de Néon" fut pour moi une lecture extraordinaire. Et ce qui me fait souligner quelque chose: si je ne pense toujours pas être un passionné d'enquêtes policières, je lui suis bien des grands livres. Et autant se le confier, "La Pluie de Néon" est un très grand livre, et James Lee Burke assurément un grand auteur.
Parce que l'histoire n'est pas incroyable. Sur le plan de la pure intrigue, le livre n'est pas désarçonnant, loin de là. On avance au gré des rencontres de Robicheaux, pas vraiment surpris par la tournure des événements. On ne sent pas spécialement venir la fin qui reste très satisfaisante.
Mais ce qui surprend réellement, tout du moins ce qui m'a surpris, c'est l'écriture de James Lee Burke. Le bonhomme a un style incroyable. Franchement, je pèse le mot, incroyable. Suivre les pensées de Robicheaux, c'est se plonger dans un déluge sensoriel de pure poésie succulent. Au gré de ses souvenirs de violence ou de nostalgie, on redécouvre cette Louisianne qu'il arpente dans les deux sens. Les odeurs de la pluie qui frappe les vieux baraquements détrempée, l'épaisseur de la brume qui régurgite du bayou, les nuances de violet du ciel lorsqu'il s'apprête à crever, la fraîcheur du jus de raisin glacé bu à la fin d'un après-midi désertique...
C'est magnifique. Les descriptions de Burke sont somptueuses. Son style, plutôt descriptif, se déguste. Il contraste avec la violence du propos, de l'atmosphère. Car les souvenirs rougeâtres du Vietnam reviennent souvent se noyer dans un présent insécuritaire, où chaque coin de rue peut révéler un cinglé vous attendant avec un couteau.
Les fins de chapitre, tout particulièrement, sont marquantes. Ce sont souvent ces instants particuliers où Dave Robicheaux fait le point sur tous les malheurs gravitant autour de lui et se noie dans l'alcool, ses souvenirs ou encore se perd dans la pluie de néon.
C'est un bouquin énorme, je vous le jure. Je le déconseille aux fanas des intrigues à suspens, pleines de rebondissements, d'enquêtes tortueuses. Ici, ça n'est franchement pas le propos. Mais les personnages, les lieux qu'ils parcourent, les dialogues sont sublimes. J'ai adoré "La Pluie de Néon", et j'enchaîne dans la foulée par le deuxième volume des aventures du lieutenant Robicheaux: "Prisonniers du ciel".