La Porte
7.3
La Porte

livre de Magda Szabó (1987)

Un magnifique roman qui réalise la prouesse de donner de la profondeur à la simplicité, à l’image de son titre, et de l’intensité psychologique aux rapports humains les plus dénués de mystère !


Il nous présente l’un des plus beaux personnages rencontré depuis longtemps. Une vieille femme simple à l’intelligence immense, comme son cœur, à la vie humble mais impériale, insupportable mais qui porte toute l’authenticité et les souffrances banales de l’humanité entière. L’oxymore seule peut la définir dans sa complexité simple, son amour indifférent. Szabo prête à une narratrice intellectuelle, écrivain, toute en certitudes, le récit de ses rapports avec sa domestique Emerence, cette vieille femme qui la domine de toute sa simplicité et qu’elle dit avoir tuée dès le premier chapitre.
Dans un style naturel, évident, sans surcharge intertextuelle, sans lourdeur culturelle, collant au plus près du réel, nous suivons, à travers ces deux antagonistes qui essaient de s’aimer, la vie de tout un quartier de Budapest. L’amour est simple pour Emerence, il la lie naturellement aux animaux, à ses chats qu’elle enferme pour les protéger de la violence des hommes, au chien de la narratrice dont elle est la vraie maîtresse, celle qu’on choisit. Cet amour est rude, sans faux semblants, et les humains qui le lui inspirent n’ont qu’à bien se tenir ! Car l’amour des humbles est un cadeau âpre, comme la vie, il se mérite.
Et comme me le faisait remarquer l'amie qui m'a fait découvrir le roman, il y a aussi beaucoup d'humour, ce personnage de chien au jugement sûr, des scènes délirantes où Emerence essaie d'imposer son mauvais goût en matière de décoration et envahit la maison de la narratrice avec des nains de jardin, des bottes et des chiens en céramique improbables. La fin se déploie dans un registre tragi-comique émouvant, tout en subtile cruauté, nous faisant hésiter entre le rire et les larmes.
Lu presque d’une traite – confinement oblige – je ne saurais que conseiller cette merveille hongroise assez méconnue malgré son prix Femina étranger obtenu en 2003.

jaklin
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le 22 mars 2020

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