Si les années 1910 sont plutôt maigres en matière de récit de science-fiction, tout indique pourtant que les graines du genre sont déjà dispersées : cela fait quelques années que H.G Wells a écrit son révolutionnaire La Machine à explorer le temps, que Jules Verne explore un fantastique machiniste à travers Voyage au centre de la Terre et nous ne sommes qu'à une poignée d'années des Navigateurs de l'infini, de Rosny Ainé.
Mais en 1912, un récit fondateur d'un sous-genre de la SF, le planet opera, arrive. Son nom est La princesse de Mars, mais nous le connaissons surtout sous le titre de John Carter (rappelez-vous le film Disney, et son bide monumental). Vous ne connaissez certainement pas ce cycle, mais il a pourtant influencé tout un genre... À l'occasion de sa réédition chez Hoebeke dans un grand format doré, il est peut être temps de revenir sur ce pilier de la SF et sur la nécessité de le lire ou le relire de nos jours, malgré son grand âge.
L'histoire part d'un postulat pour le moins intrigant (du moins, pour l'époque) : John Carter, gentleman sudiste originaire de Virginie, se voit contraint de s'abriter dans une grotte alors qu'il est poursuivi par les Indiens [tels qu’ils sont nommés dans le texte d’origine NDLR], dans un contexte de guerre de Sécession. Alors qu'il se retrouve gravement blessé, voilà qu'il est transporté à travers l'espace pour débarquer, nu comme un ver... sur Mars. Si son arrivée prête à rire, c’est pourtant un destin héroïque qui l'attend sur la planète rouge loin d'être inhabitée : un amour absolu, une guerre à mener et des amis fidèle qui vont le changer à jamais, voilà le récit de John Carter.
Malgré ses 113 ans d'âge, le style du cycle de La princesse de Mars se révèle être d'une étonnante fraîcheur, loin de l'impression de pavé que pourrait laisser penser sa nouvelle mouture (rassurez-vous, le roman bénéficie d’une mise en page très aérée). Ce sentiment de lecture est renforcé par la nouvelle traduction de Fabrice Canepa, qui offre une version plus légère et agréable que celles de la version poche de 1988, tout en gardant la densité de l'écriture de l'auteur.
On sent que Burroughs tenait à rendre son ouvrage accessible au plus grand nombre en évitant la multiplication de détails, comme cela peut souvent être le cas dans ces ouvrages de cette période. Il n'hésite cependant pas à donner corps à Barsuum, le nom donnée à Mars par la peuplade vivant dessus, à son fonctionnement économique, à sa culture martiale ou encore à ses tribus guerrières. Dans un juste équilibre d’écriture, qui privilégie la suggestion plutôt que de longues descriptions assommantes et se révèle très agréable dans ses scènes d’aventure et d’action, La princesse de Mars se révèle dynamique et épique. Mais tout n’a pas bien veilli sur Barsoom : il faudra faire l’impasse sur une écriture soignée et nuancée de ses personnages (John Carter est la figure de l’Américain sauveur de monde, au coeur d’artichaut et désireux de vaincre le Mal avec un grand M. Du côté de notre chère princesse de mars, elle se révèle être la figure archétypale de la femme à sauver, point barre).
La richesse de cet univers confère à La Princesse de Mars une aura d'ouvrage certes daté sur ses codes narratifs, mais passionnant à explorer. C’est encore plus fascinant quand on sait que c’est cette saga qui a inspiré sa carrière d’auteur à Ray Bradbury (Farenheit 451) !
Premier volet d'une série en onze tomes, La Princesse de Mars a eu droit à son deuxième volume réédité ce 28 novembre 2025, toujours chez Hoebeke, Les dieux de Mars, et qui met John Carter face à de nouvelles menaces, bien loin de son monde natal et de sa bien aimée !