La Société ingouvernable par batche

Merde. C'est un peu embêtant ça. Ben oui, malgré les efforts entrepris par quelques uns d'entre nous (Prof Hayek, on t'aime XoXo), avant et au sortir de la guerre, on n'a pas réussi à gagner la bataille idéologique. Ce sont les dispendieux keynésiens, ces socialistes imbéciles qui n'ont rien compris au monde tel qu'il devrait fonctionner, qui ont gagné... L'état providence, quelle pourriture marxiste !

En plus de ça, dans le milieu, on est à sec : pas de blé, s'entend, le business peut encore se faire, mais d'idées. Puis les gens se méfient de plus en plus, les salariés se rebiffent, se syndicalisent, les gouvernements ne sont plus gouvernables et on est pris de toutes parts par des règles inutiles et stupides et coûteuses concernant cette pseudo idée d'écologie et par ces hippies tiermondistes.

En un mot : on était dans une belle merde.

M'enfin, on ne se laisse pas faire comme ça. Ces socialistes d'intellectuels ont beau penser être les plus intelligents, nous, on est en tout cas, on est les plus malins. Et les plus tenaces. Et les plus riches aussi. Alors on a tout fait pour gagner. Et on a réussi.

Voilà, si je devais vite fait résumer l'excellent livre de Grégoire Chamayou, ce que ça donnerait. Son bouquin, très très intéressant, relate, au cours des années 60 et 70 comment une cohorte disparate de managers, d'économistes, d'homme d'affaire et de femmes de fer (en fait, une) ont pu, grâce à tout un tas de techniques (ça va de la technique bourrine un peu concons à la micropolitique) réussir à imposer le fonctionnement du marché (oué, encore, désolé, c'est la période)dans l'esprit des gens, dans les politiques, jusqu'à faire advenir la période que nous connaissons en ce moment et qui dure... depuis 40 ou 50 ans.

Je ne vais pas m'étendre sur ce que j'ai pu retirer du livre, car je ne suis pas assez intelligent pour répéter des choses sans que ça se voit que ça se répète. Aussi je vais m'en tenir au sentiment vraiment plaisant que le bouquin m'a donné. Chamayou écrit très très bien, ponctue régulièrement son analyse (et son récit) par des pointes d'ironie qui sont vraiment très drôle. Mais le livre, lui, n'est pas là pour être "léger" : c'est un livre sérieux, une analyse fine des différents discours (choppés dans des conférences, lettres, interviews, manuels de management etc.), des différentes tactiques élaborés par les tenants du "capital" pour, si ce n'est reconquérir les cœurs ((gageure), au moins empoisonner les esprits : tina.

Grégoire Chamayou, par le biais citatif/analytique derrière lequel il s'efface un peu, donne à voir les multiples mutations du discours des néolibéraux. On parle bien de discours, car le fond, lui, reste le même : laisser-faire, marchandisation de tout et tous, inégalités acceptés comme faisant partie du jeu, recherche du profit au mépris de l'écologie, au mépris des faibles et même des pas trop forts etc.

Mais bon, je fais probablement partie des 100% de gauchistes qui n'ont absolument rien compris à l'économie (qui ont du mal à comprendre les concepts en économie, qui ne sentent pas à l'aise avec l'économie, qui ont des lacunes, des problèmes avec l'économie, qui interprètent mal l'économie etc etc etc).

C'est sûrement un défaut de pédagogie.