Le Banni
7.6
Le Banni

livre de Selma Lagerlöf (1918)

Une découverte pas tout-à-fait le fruit du hasard. J'avais vu et commenté un film de Douglas Sierk dans sa période allemande "la fille du marais" adaptée d'un roman de Selma Lagerlöf, écrivaine suédoise de la première moitié du XXème. Ayant beaucoup apprécié la beauté de l'histoire du film de Sierk, je m'étais promis que je testerais bien un roman de cette auteure, pour voir !

Et je n'ai pas regretté d'avoir porté mon choix sur "le Banni", ayant été happé par le roman dès les premières pages.

Un véritable conte qui met en scène un homme Sven Elversson dont la rumeur dit qu'il aurait mangé de la chair humaine d'un cadavre lors d'une désastreuse expédition au pôle Nord. À son retour dans son pays natal, il est violemment stigmatisé lors d'une messe par le pasteur local qui le met ainsi au ban de la société. Malgré toutes ses qualités humaines, et Selma Lagerlöf s'y entend pour nous les dévoiler et les faire apprécier, Sven restera complètement isolé, méprisé et haï. À l'exception de ses parents qui conservent tout leur amour pour Sven, seule, Sigrun, la jeune et jolie femme du pasteur qui est malheureuse du fait du comportement excessif et jaloux de son mari, sera troublée par la beauté intérieure qu'elle découvre en lui lors d'une rencontre impromptue.

Si l'argumentaire du pasteur se basait sur le "caractère inviolable" d'un mort que Sven avait transgressé avec son "acte répugnant", l'arrivée de la première guerre mondiale avec son cortège d'horreurs met en évidence qu'avant de respecter les morts, il conviendrait plutôt de commencer à "protéger les vivants" … Peu à peu, les habitants, devant le spectacle sans fin des atrocités, des mutilations et des morts laissés sans sépulture, découvrent la grandeur d'âme de Sven et finissent par lui accorder leur respect et leur indulgence.

Ce roman permet de découvrir le profond humanisme de Selma Lagerlöf qui aura passé une grande partie de sa vie à défendre une vision pacifiste de la société. "Le Banni" est un bel exemple de ce pacifisme.

Le roman comporte de magnifiques pages décrivant certaines rencontres ou actions de Sven même si elles ne sont pas toujours couronnées de succès. Le texte est empreint d'une poésie toujours pleine d'espoir où on comprend que Sven ne ménage jamais ses efforts pour aider ou apporter une contribution à la société.

"Si mon malheur pouvait faire que les gens se mettent à penser qu'un être vivant est inattaquable, qu'il ne doit pas être dépouillé de sa vie, ni mis hors d'état d'en profiter, alors quelque chose de bon aura quand même germé des semailles amères de mes tourments".

Tout serait parfait et mériterait, de ma part, la note maximale si le roman s'arrêtait à la page 292 et si on oubliait les vingt dernières pages. En effet, Selma Lagerlöf achève son roman dans une tonalité édifiante et bien-pensante avec un insupportable sermon de ce salopard de pasteur qui, prenant brusquement le train en marche, fait amende honorable en reconnaissant s'être trompé sur le compte de Sven (à qui il a quand même bien pourri la vie).

C'est un peu comme si l'auteure s'était sentie obligée de finir en remettant les pendules de la morale bien à l'heure, en accordant la rédemption et le pardon à tout le monde, sans distinction. Pire, de façon incompréhensible, l'auteur provoque un revirement de son personnage Sigrun. Pour ce qui me concerne, ces vingt dernières pages affaiblissent terriblement le roman. Compte-tenu de l'excellence et de la puissance du message des 292 premières pages, c'est à se demander si les dernières pages ont bien été écrites par la même personne !

Finissons cependant sur une note positive : au delà de ces considérations toutes personnelles et qui n'engagent que moi, Lagerlöf a développé dans ce roman un véritable talent pour décrire à la fois le désespoir de Sven, l'amour de Sigrun et Sven et l'hypocrisie de la société.

JeanG55
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le 14 mars 2025

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