Le bus dans la ville : le train fantôme du passé !

Page 106 : » À bord de ce bus fantôme, je redécouvrais la ville et son passé, le mien, démoli. Je la trouvais résignée, abandonnée à la prédation et à la saleté. »


Le narrateur, dont la voix et vie sont une extension de l’écrivain Yahia Belaskri, est trimbalé dans un bus brinquebalant, métaphore de l’exil, du voyage et du temps écoulé. Yahia esr ce migrant qui revient tourner autour de sa ville ternie. Une ville sans nom. Universelle peut-être. Une ville à la forme d’un grand bazar, un capharnaüm qui plie les rêves, qui encrasse les espoirs, qui broie les destins et qui tue les âmes. La ville est laide, endormie et absente. Cette terre aride et ingrate qui n’a pas su attacher ses enfants ni aucun de ceux qui l’ont aimée d’un amour sincère, a vu naître Yahia Belaskri, aujourd’hui écrivain, nouvelliste et journaliste. Dans ce bus qui tourne autour de la ville salie, Yahia, épris d’un passé nostalgique et idéalisé, revoit ses souvenirs d’enfances à travers les portraits vifs, hauts-en-couleur et successifs de ses amis, de ses voisins, de ses cousins, de ses maîtres à penser et de ces dirigeants à balayer. S’enlisent deux sentiments dans la terre rouge algérienne : l’amour et l’échec. Yahia qui est lui-même un amour, un philanthrope de bonheur, un soleil irradiant ses compères, aime les femmes qu’il qualifie par leurs beautés et les amis qui ont forgé sa détermination et ses idéologies politiques. Pourtant, malgré son amour pour la vie, Yahia n’a subit que des échecs. Ils sont morts, disparus, détruits ou défigurés, ce sont les voisins de la maison familiale, les parents, les filles admirées ou aimées, les compagnons d’utopie ayant partagé le goût du théâtre, de la provocation, des beuveries, de la foi dans la Révolution. Comment vivre suite à ces désillusions ? Comment faire avec ? Le bus continue à avancer. Ses pensées sont brouillées. Pourtant, la simplicité de la langue et de la syntaxe offre un récit à la fois clair, efficace, ombrageux et violent. Les passagers de bus n’y monteront plus de la même manière…

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le 20 févr. 2020

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