Parmi tous les trucs plus ou moins idiots qui me traversent occasionnellement l'esprit, il m'arrive de me demander si tout n'a pas déjà été écrit dans certains domaines, et notamment si le filon du roman dystopique totalitaire ne pourrait pas être bel et bien épuisé. Mais voilà que le Booker Prize vient de couronner une nouvelle variation sur ce thème cher à mon cœur. Je m'en empare donc, convaincu que l'heureux élu, pour avoir reçu un prix si prestigieux, renouvelle nécessairement le sujet ou, du moins, qu'il lui apporte quelque chose d'inédit. Mais non.
Attention, entendons-nous bien : Le chant du prophète n'est pas un mauvais livre. Simplement, j'ai l'impression en le refermant de l'avoir déjà lu cinq-cents fois. Voyez plutôt : l'action se déroule demain ou presque, dans une Irlande radicalement basculée à droite, et s'ouvre sur l'arrestation sans motif apparent de Larry, un professeur et syndicaliste. Son épouse et personnage principal, Eilish, sans nouvelle de son mari, se démène pour le faire libérer tout en s'occupant de ses enfants, de son père, et en tentant d'identifier le moment qui a vu son pays sombrer dans un régime autoritaire puis dans la guerre civile. Certes, les protagonistes se posent des questions légitimes sur des problématiques politiques et administratives, invitant par là le lecteur à s'interroger à son tour sur la tendance de certaines dérives populistes et l'instrumentalisation du peuple. C'est louable. Mais, comme je le disais un peu plus haut, de nombreux auteurs ont auparavant soulevé ce point et, la forme n'étant pas non plus d'une grande originalité, le résultat souffre cruellement d'un air de déjà-lu.
De déjà-lu ou de déjà-entendu pour le texte audio. Et c'est sans doute là la limite de cette version. En effet, si j'en crois ce que j'ai pu lire ici ou là, Paul Lynch s'est affranchi pour ce livre des interruptions de paragraphe, ajoutant alors, semble-t-il, un sentiment d'urgence - c'est ce qu'ont reconnu certains critiques qui ont eu entre les mains le format papier. Or, malgré l'interprétation irréprochable de Pierre-François Garel pour le compte d'Audiolib, cet effet formel ne transparaît pas à l'oral. Le fameux sentiment d'urgence a disparu avec le passage en audio. Reste donc une histoire efficace, j'en conviens, mais d'un classicisme à toute épreuve qui ne la distingue plus du reste de la production.
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