Dans une vie, il existe parfois une journée plus importante que des années entières, parce qu'elle en change l'orientation à jamais, parce qu'elle vous bouleverse et parce que vous savez confusément qu'elle restera gravée dans vos souvenirs jusqu'à votre dernier souffle. Le dimanche des mères de Graham Swift s'invite dans les pensées et les actes d'une petite bonne de 23 ans, au service d'une grande famille britannique, en 1924, en ce jour très particulier où repos est donné au personnel de maison. Jane, c'est son prénom, va rejoindre son amant, Paul, fils d'une autre grande famille, dont les deux frères sont morts pendant la grande guerre. Pour la première fois, ils vont faire l'amour dans la maison habitée par Paul avant que celui-ci ne rejoigne la femme qui va devenir son épouse, deux semaines plus tard. Jane a le temps, en ce beau dimanche de mars ; elle a cette maison à elle toute seule juste après le départ de Paul, pour quelques heures, avant de rentrer. Cette parenthèse dans la vie de Jane, enchantée puis bientôt dramatique, sert de fil conducteur au roman. C'est tout l'art du romancier que de transfigurer ces moments, de leur donner une poésie, une sensualité et une intensité extraordinaires. Le bonheur du livre réside dans sa construction superbe où événements à venir, toute la vie de Jane jusqu'à plus de 90 ans, s'immiscent dans le récit de ce dimanche. Swift n'a pas peur de la répétition des mots ni des faits pas plus que des avancées dans le temps, au gré des sensations de son héroïne et de ses suppositions quant aux agissements de ceux qu'elle côtoie ou a côtoyé (dans le sens où ses pensées sont celles de 1924 ou plus tard, celles d'une nonagénaire). Il faut un sacré talent d'écrivain pour rendre cohérente cette intrigue, figée et élastique à la fois, comme la mémoire. Swift y parvient avec une grande maestria nous faisant ressentir les frémissements de Jane, de son âme et de son coeur. Ce livre est magnifique !

Cinephile-doux
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le 22 janv. 2017

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Cinéphile doux

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