La connaissance intuitive des ressorts de l'âme humaine de Ramon Gomez De La Serna est tout simplement prodigieuse. Dans cette œuvre de "jeunesse" publiée en 1914, il y fait déjà preuve d'une impressionnante maturité, posant les jalons de sa forme littéraire propre dont l'on peine à trouver des équivalents. Si ultérieurement c'est avec les surréalistes qu'il pourra trouver une sorte de proximité,c'est bien plutôt avec l'étonnant Georg Groddeck que l'on découvrira la plus grande parenté. Il y a quelque chose d'étrange dans ces parallélismes que peut produire une époque entre des individualités n'ayant pourtant à priori aucun lien culturel ni chance de pouvoir se rencontrer. Mais plus étrange et regrettable encore est le fait que d'aussi remarquables manifestations du génie et de la conscience humaine sombrent ensuite dans l'oubli et ne semblent connaitre aucune postérité. Comme si l'histoire, à un certain moment, nous offrait une chance unique et que nous étions incapable de la saisir. Découvrez vite les diagnostiques sidérants du Docteur Bivar car à un siècle de distance, ils vous apporteront certainement encore quelques précieuses lumières.
"CELUI QUI NE CONNAIT AUCUN SECRET DE LA VIE
Peut-on ignorer la vie et vivre ?
Celui qui ne connait aucun secret de la vie ne saura pas s'accrocher. Si un vent fort vient à souffler, il tombera, et la mer le balaiera par-dessus bord. (...)
De retour chez le barbu, je l'examinai à nouveau attentivement. Je vis combien cette barbe était invraisemblable sur son visage; elle semblait y avoir poussé pendant une période de négligence, comme la mauvaise herbe sur un toit .... Car, comment aurait-il gardé cela, s'il s'en était aperçu ?
Pauvre homme masqué pour toujours ! Il lui était impossible de respirer, d'être lui-même, de réussir en quoi que ce soit, avec une barbe aussi phénoménale .. (...)
Il est indispensable d'être toujours sincères dans nos rapports avec nous-mêmes. Sans cela, tant pis pour nous. Nous finirons par nous tuer, sans le savoir, sans que nul ne s'en aperçoive, mais irréparablement. (...)
Le microbe du suicide est le plus hypocrite que l'on connaisse. Il fuit vertigineusement, il semble s'être dissous, et, pourtant, il s'éveille chaque matin avec sa victime, et s'empare d'elle tout entière."

steka
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les romans que je conseille souvent à mes amis, La Nouvelle n'est pas si ancienne et Contemporanéité 1 - 1910/1930

Créée

le 12 juin 2012

Critique lue 714 fois

9 j'aime

6 commentaires

steka

Écrit par

Critique lue 714 fois

9
6

Du même critique

La Société du Spectacle
steka
10

Du Devenir marchandise

Lire « La société du spectacle » n'est pas chose aisée. Non pas que ce livre soit particulièrement difficile en lui-même, mais parce que cette difficulté tient à la nature même de son objet. En...

le 25 nov. 2011

95 j'aime

17

Le Prince
steka
9

Machiavélique ?

"Je prétends que ceux qui condamnent les troubles advenus entre les nobles et la plèbe blâment ce qui fut la cause première de la liberté de Rome : ils accordent plus d’importance aux rumeurs et aux...

le 1 déc. 2011

83 j'aime

30

Discours de la servitude volontaire
steka
10

De notre servitude volontaire

Ce livre fut écrit il y a cinq siècles. Pourtant, chez tous ceux pour qui le mot Liberté a encore du sens et qui accessoirement savent lire, son actualité s'impose cruellement. Car si la domination a...

le 26 nov. 2011

65 j'aime

2