Un ensemble de facteurs ont amené l’Italie vers le fascisme, selon les auteurs. Il est la résultante d’une véritable crise politique après la Première Guerre Mondiale :

1. Difficultés de l’Italie à prendre son essor industriel. Beaucoup d’agriculture, peu d’industrie.

2. Inégalités Nord-Sud : Inégalités d’investissements et inégalités de ressources naturelles.

3. Agitation socialiste très forte, mais qui n’aboutit pas.

4. La crise de gouvernement ne permet pas d’arriver à résoudre les problèmes, ce qui sera au profit du fascisme.

Les origines idéologiques du fascisme post-Première Guerre Mondiale sont très liées à un mouvement syncrétique, un mouvement à la fois patriote et anarchisant, impérialiste et pro-guerre, mais anti-capitaliste. C’est sorte d’idéologie anti-moderne, violente et anti-bourgeoise. C’est dans ce terreau contestataire petit-bourgeois que puisera le fascisme. Mussolini fait alors partie de cette mouvance.

Le fascisme émerge alors comme une « solution » car toutes les autres ont failli, notamment parce que le Parti Socialiste Italien (PSI) et la Confédération Générale du Travail (CGL) n’ont pas su prendre le pouvoir ou tenter une révolution malgré la forte agitation ouvrière. Le PSI recule devant une potentielle révolution ouvrière alors que le parti avait des discours radicaux (notamment son aile gauche « maximaliste »). Les ouvriers n’ont donc plus confiance dans le PSI. En outre, il y a une scission au sein du PSI, ce qui donnera lieu à la naissance du Parti Communiste Italien (PCI). Cette scission profitera lors des élections au parti fasciste.

Mussolini crée son parti en y intégrant les squadristes (ce sont des bandes qui violentent les syndicalistes/communistes) qui sont soutenues par la bourgeoisie. Il veut rentrer dans le cadre légal et parlementaire, mais les squadristes le poussent vers l’illégalisme et la violence. Mussolini a du mal contrôler les bases locales qui créent beaucoup d’agitation et de violence (violences qui ne sont pas réprimées par la police et la justice au niveau local). L'importance du squadrisme semble fondamentale pour comprendre le fascisme italien, à la lecture du livre.

Finalement, Mussolini gagne la confiance des capitalistes en se convertissant au libéralisme économique. Il est appelé à se présenter devant le roi italien et le pouvoir lui est donné de manière tout à fait légale. A l’image de la bourgeoisie allemande qui pensait contrôler Hitler, la bourgeoisie italienne pensait museler Mussolini dans un but de contre-révolution préventive (là où toutes les autres « solutions » politiques ont failli). Mussolini organise au même moment la marche sur Rome pour donner une apparence de putsch guerrier à sa prise de pouvoir.

Le fascisme italien est l’œuvre de la petite bourgeoisie, mais pas celle à laquelle nous pensons, c’est plutôt celle des techniciens, des cadres et petits fonctionnaires frustrés qui pensent que les élites sont corrompues et incompétentes et qu’il faut donc les remplacer (par… eux-mêmes.)

Il y a également un échec du parti catholique qui a un électorat bien trop hétérogène. Tout cela a laissé le libre jeu à la montée du fascisme qui obtient alors une majorité absolue au Parlement de manière tout à fait légale (même si les règles des élections ont été modifiées par Mussolini).

Le régime fasciste débute par une phase relativement autoritaire (mais légale), puis il y a une rapide transition vers la dictature totale autour de 1924-1925. Le Parlement devient une chambre d’enregistrement, l’exécutif a tout le pouvoir et ce dernier est aux ordres du Conseil crée au sein du parti fasciste où toutes les décisions sont prises. L’État est totalement assimilé au parti fasciste.

Mussolini est d’abord conciliant avec la CGL, mais il est de plus en plus poussé à ne plus l’être par les petits bourgeois du parti fasciste, car la CGL devance les syndicats fascistes partout sur le territoire aux élections. Le Duce met alors fin au pluralisme syndical. Alors s’effectue un passage du syndicalisme fasciste au corporatisme fasciste. Le texte de la « Charte du Travail » montre que les rapports capital/travail se font au profit des capitalistes et de l’État fasciste qui domine l’ensemble de la société. Ce texte illustre très bien la conception fasciste selon laquelle le groupe doit totalement dominer l’individu qui doit alors se soumettre aux intérêts de la nation (fasciste).

Il y a cependant une relative autonomie du fascisme vis-à-vis des forces sociales qui l’ont porté au pouvoir. Réduire le fascisme italien à une instrumentalisation pure et simple par le Capital (tel que l’a fait l’Internationale) est trop simpliste.

Vers 1926-1927, c’est l’apogée du fascisme qui, dès lors, n’évoluera plus beaucoup, sauf vers sa fin, car l’Italie fasciste sera inspirée par le modèle nazi.

Le Duce gouverne quasi seul. Il y a un véritable culte de la personnalité. Un « calendrier fasciste » est également mis en place, celui-ci illustre la volonté totalitaire du fascisme italien. Il y a un véritable maillage de la population par le fascisme qui se met en place (associations, clubs de sport…). Les professeurs à l’université doivent faire le serment de servir le fascisme, par exemple. Les valeurs prônées sont celles de la discipline, de la hiérarchie, de la vitalité. Le sport est très mis en avant. En outre, la foi et le spirituel sont réhabilités. Une forte censure et propagande se mettent en place. La jeunesse est largement endoctrinée. L’antiquité romaine est idéalisée et récupérée à des fins impérialistes et de propagande.

L’avènement de Hitler en Allemagne radicalise Mussolini. L’Italie passe à une idéologie davantage raciste et antisémite même si cette politique est en réalité peu appliquée (du moins jusqu’à l’occupation allemande). Le nazisme devient un véritable modèle quand bien même Mussolini était d’abord sceptique concernant le nazisme.

La politique économique fasciste italienne est la suivante : 

Première phase : libérale ;

Deuxième phase : dirigisme (création d’une instance dirigeant l’économie nommée le « Conseil national des corporations ») ;

Troisième phase : grosse crise européenne à partir de 1930, l’économie italienne est en difficulté comme la plupart des pays européens. L’économie tend alors vers une économie de guerre afin de résoudre la crise.

Dans les faits, il y a une véritable politique économique de classe (en faveur de la bourgeoisie) malgré l’apparence du discours inter-classiste du Duce. La tendance aux oligopoles/monopoles est favorisée par l’État fasciste.

Le revenu des ouvriers est relativement stable sous le fascisme. Il évolue peu alors que les profits explosent ; ainsi que les rythmes de travail, etc. Il y a cependant une forte baisse du chômage.

Les sanctions économiques de la SDN après l’invasion de l’Éthiopie seront relativement inefficaces (beaucoup de grandes puissances ne les pratiqueront pas, et d’autres États condamnent cette invasion, mais continueront de commercer avec l’Italie en passant par un autre pays qui lui ne condamne par l’Italie).

Concernant le rapport du fascisme à l’Église : l’État italien était plus laïc qu’on ne le croit jusqu’à l’avènement du fascisme. Au début, le fascisme qui n’est pas encore au pouvoir est anticlérical, mais lorsqu’il arrive au pouvoir, il s’allie avec l’Église. Cependant, il y a une concurrence quand même entre les deux car ils visent tous deux à façonner entièrement la vie des Italiens. Du point de vue de la sécularisation, le fascisme est donc un retour en arrière.

Sur la culture et la vie quotidienne sous le fascisme : il y a un énorme gouffre entre les discours très radicaux du Duc et la réalité qui évolue en fait très peu. Le fascisme tend en réalité à une sorte de conservatisme bourgeois conventionnel. A ce propos, il est fort dommage que les auteurs ne développent pas beaucoup plus concernant la vie quotidienne sous le fascisme, car il y a tout de même des choses qui devaient être particulières à la vie sous le fascisme.

L’Art et la culture sous le fascisme sont ennuyeux, conservateurs. Il y a un fort conformisme intellectuel par auto-censure. Cependant, le cinéma est relativement peu touché par la propagande politique explicite, mais les films sont très basiques, peu originaux et bourgeois. Notons que Mussolini adore le cinéma.

Au niveau géopolitique : il existe une véritable idylle italo-britannique jusqu’à invasion de l’Éthiopie par l'Italie. La SDN fait également l’éloge de l’Italie jusqu’à cette invasion. Une forte sympathie franco-italienne existera aussi vers 1934.

Mussolini est nul en géopolitique, mais s’y intéresse beaucoup. Le fascisme a beaucoup de fans (Gandhi, Churchill…). Mussolini est d’abord froid avec Hitler car il a peur de la volonté impérialiste des nazis. Mais la situation évolue et l’Allemagne devient très puissante, donc Mussolini se plie de plus en plus aux intentions d’Hitler.

L’invasion de l’Éthiopie (1935-1936) est un tournant majeur, c’est le premier coup de force violent et belliqueux entre les deux guerres mondiales.

Concernant la résistance au fascisme, celle-ci se fait beaucoup à l’étranger, donc sa portée est limitée. C’est plutôt la résistance secrète des membres du PCI qui a eu le plus d’effets, mais ce n’est clairement pas en raison de la résistance que le Duce est tombé.

La République de Salo sera le dernier bastion de Mussolini et de ses amis, alors très alliés avec les nazis.

Globalement, le livre est très factuel (voire un peu trop, ce qui rend certains chapitres assez indigestes et la lecture un peu ennuyeuse), il permet de comprendre les raisons de l’avènement du fascisme en Italie et la chronologie de celui-ci. A ce titre, le bouquin est excellent pour comprendre les évolutions de la vie politique italienne dans la première moitié du XXe siècle. En revanche, il pèche peut-être un peu par manque d’analyses.

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le 14 juil. 2023

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