De temps à autre, il y a des livres avec lesquels la rencontre se fait instantanément. Dès les premières pages (voir peut-être même dès que le livre est tombé entre mes mains), je savais que j’aimerai le Feu sur la Montagne.


En quelques instants, on se retrouve projeté dans un pick-up au milieu du désert du Nouveau-Mexique pendant un après-midi d’été brulant. Peut-être que ma vision récente de Breaking Bad m’a aidé à me représenter plus facilement ce décor aride, certes. Mais je crois que c’est plutôt grâce à la superbe écriture d’Edward Abbey que la magie a opéré. L’auteur écrit de manière à la fois simple et efficace, mais ne rechigne pas à utiliser un vocabulaire élaboré, et à se lancer dans quelques belles envolées lyriques sur la beauté du désert américain. Il détaille les espèces d’oiseaux, de végétaux et rappelle régulièrement quelles montagnes entourent Billy et son grand-père, sans que jamais ça ne vienne alourdir la prose. On voyage avec eux et on ressent vraiment le désert. A souligner également la superbe traduction : le choix de régulièrement traduire l’action au passé simple joue également sur ce côté très direct et vif.


Mais la véritable force du livre est sans aucun doute ce trio de personnages principaux ultra attachants. Le grand-père, John Vogelin, est bourru, fier, mutique, et possède un vrai cœur tendre. Lee, son voisin trentenaire, grand, charismatique, a lui tout du cow-boy fringuant. Et le petit Billy, 12 ans, ultra débrouillard et têtu, ne cesse de chercher la reconnaissance de ces deux ours mal léchés. Le trio fonctionne à merveille et ne cesse de toucher le lecteur en plein cœur. Au cours d’une virée à cheval sous le cagnard, Billy, assoiffé, redoute de demander de l’eau et de paraître faible auprès de ses deux héros. Il finit par craquer. Les deux autres se moquent de lui, mais lui offrent discrètement à boire chacun de leur côté. Et chacun fait jurer Billy de ne pas en parler au deuxième larron, de peur de passer eux-mêmes pour des guimauves. J’ai littéralement fondu en lisant ce passage. Edward Abbey a créé de superbes personnages. A la fois burinés par la vie et le climat du sud des Etats-Unis, ils n’hésitent pas à faire preuve d’une grande tendresse lorsqu’il le faut. J’ai beaucoup eu en tête le personnage de Clint Eastwood dans Grand Torino qui me rappelait beaucoup le grand-père ici.


Enfin, un petit mot sur l’histoire qui est remarquable de simplicité. Edward Abbey ne tombe jamais dans la démonstration politique ou dans la fable militante. L’histoire est simple, la tension monte petit à petit, sait prendre son temps, et réussit sa fin symbolique et astucieuse. (Seul bémol à ce joli tableau : après avoir refermé le livre, j’ai simplement été déçu de découvrir sur internet qu’Edward Abbey tenait finalement plus du libertarien conservateur que du véritable anarchiste.)


Ainsi, Le Feu sur la Montagne a été un plaisir de tout instant. Je n’avais pas eu aussi hâte de retrouver un livre chaque soir depuis bien longtemps. Ce trio de cow-boys aux cœurs tendres m’a véritablement ému, et restera probablement dans ma mémoire pour encore quelques semaines.

Hunkydorus
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le 13 oct. 2025

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