J’ai apprécié Yoshimura pour sa prose romanesque, pure et dénuée d’artifice en même temps que puissamment évocatrice ; je l’ai trouvé également excellent pour raconter des nouvelles, où le thème récurrent de la mort y tenait une place centrale qui n’était pas sans rappeler les meilleurs récits de Poe. Avec Le Grand Tremblement de terre du Kantô, l’auteur japonais adopte cependant un angle d’attaque tout à fait différent pour parler du séisme catastrophique qui terrassa toute une partie du Japon en 1923.


Yoshimura le disait lui-même, cette œuvre était avant tout un « document-récit » destiné à rapporter avec une exactitude minutieuse les différentes destructions qui eurent lieu, ainsi que les répercussions sociales de celles-ci, à commencer par les expéditions punitives menées par des Japonais fanatisés contre la communauté coréenne de Tokyo, accusée sur la base de rumeurs de piller les commerces de la capitale.


En soi, l’entreprise est intéressante et revêt une double importance, mémorielle et historique. Néanmoins le lecteur déchantera bien vite à mesure qu’il tournera les pages de cet austère ouvrage, constellé de chiffres sur les habitations détruites, les personnes disparues et autres incendies déclarés dans une myriade de quartiers japonais.


Lecture heurtée donc, aride, sans grande effusion stylistique dont est pourtant coutumier l’auteur. Le livre prend plutôt la forme d’une longue description sans grande saveur des événements consécutifs au séisme, manquant de susciter la moindre émotion de par son regard beaucoup trop éloigné et aseptisé.


Reste au demeurant l’intérêt historique d’un tel ouvrage, apparemment sérieusement documenté en matière de chiffres (il est même doté d’une bibliographie) et agrémenté de nombreux tableaux faisant un comptage quasi exhaustif des destructions ayant eu lieu à la suite du tremblement de terre.


Les passages relatant les tensions sociales et politiques (notamment avec les mouvements socialistes) sont les plus intéressants pour qui s’intéresserait aux balbutiements du marxisme et de l’anarchisme sur l’archipel. Ceux qui ont vu Eros + Massacre de Yoshida retrouveront notamment la figure bien connue de Sakae Osugi, assassiné opportunément par la police militaire dans le tumulte ayant suivi la catastrophe.


Pour le reste, ce livre n’est clairement pas marquant dans l’œuvre prolifique de son auteur, et je ne saurais trop conseiller à ceux qui s’intéressent à Yoshimura de passer leur chemin sur cet ouvrage et lui préférer ses autres récits romanesques et nouvelles (Le Convoi de l’eau, L’Arc-en-ciel blanc).

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le 1 juin 2021

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