Passionnant condensé qui permet de suivre presque semaine après semaine les derniers mois de l'URSS aux côté de l'attaché de presse de Gorbatchev. Il donne un éclairage intéressant sur la personnalité de son patron, condamné à être le liquidateur de 1917. L'auteur dessine le portrait d'un dirigeant seul, écartelé entre les aspirations libérales de son entourage, la surenchère réactionnaire des siloviki et de l'appareil soviétique, un système économique en train de s'effondrer peu à peu et les aspirations croissantes à l'indépendance. Une équation insoluble qui explosera à sa figure, mais aussi à celle de ses opposants :
J'ai suivi avec une délectation coupable, tant le style est fluide et agréable, le naufrage de ce paquebot dont l'inertie condamnait son capitaine à l'impuissance. J'ai particulièrement apprécié le récit heure après heure du putsch de Moscou. Son caractère improvisé, grand-guignolesque (malgré quelques morts accidentels), et le manque de détermination des conjurés illustre la de cette tentative de retour au passé.
La tractation clandestine entre Eltsine et ses homologues biélorusses et ukrainiens, lorsqu'ils décidèrent de définitivement enterrer les restes de l'URSS dans le bois de Bieloviej au milieu d'une beuverie est également savoureuse.
Je regrette un peu le manque de nuance sur Eltsine que Gratchev ne manque pas d'égratiner sans jamais rappeler les qualités dont il a su faire preuve. Pourtant, à la lecture, il aurait eu le tempérament nécessaire pour retarder d'avantage la fin de l'URSS, voire d'en préserver la surface. Un des conjurés de Bieloviej, effrayé par sa propre audace, rapportera qu'aucun n'aurait osé se présenter devant Eltsine pour le mettre devant le fait accompli si c'est lui qui avait occupé le fauteur de Gorbatchev.
Ce parti pris négatif sur Eltsine, produit de la subjectivité, n'est que le défaut logique des qualités de cet ouvrage : un témoignage vivant et plein de caractère du plus gigantesque naufrage de l'Histoire, depuis la cabine du commandant.