Un roman qui ne tient que sur quelques personnages principaux

Il me sera difficile de développer une critique sur ce roman car, malgré ses qualités, il n'y a finalement pas grand chose à en dire.

Il faut commencer par expliquer pourquoi on peut prendre du plaisir à lire ce premier tome. Sa principale et quasiment seule qualité consiste à se centrer sur des personnages attachants. Asher, le héros, bien qu'un peu caricaturalement bougon, est un personnage authentique. Certes, il évolue très peu, certes il manque de de subtilité et de finesse pour être complexe, mais il n'en sonne pas moins vrai. Seule son intégrité admire réellement une certaine admiration, malgré l'absence d'autres qualités développées, il n'en est pas pour autant ennuyeux ou décevant. C'est la plus grande réussite de ce roman. Le prince Gar, second personnage principal, est peut-être plus convenu mais il n'en attire pas moins la sympathie de par situation pathétique, prince d'une race douée d'une magie, il semble l'unique individu privé de ce talent et reste donc, au moins officieusement, exclu de la société de ses pairs. Le traitement de sa personnalité et de ses réactions face à cette situation est cohérent tant dans ses réactions émotionnelles que dans sa perspective sur la société qui en est logiquement influencé.

Ces deux personnages bien ancrés sont associés à un cadre aux fondations tout aussi solides. L'univers et les enjeux sont rapidement clairement exposés. Six-cent ans auparavant, dans une société de sorcier, l'un très puissant impose sa tyrannie sur le monde. Son égale féminin ne pourra finalement qu'organiser l'exil de cette race de sorciers dans un royaume étranger qu'elle protègera à l'aide d'une barrière magique de l'influence du tyran. Fermé au reste du monde, ce royaume a évolué en instaurant un certain nombre de règles permettant la pérennité d'une société fermée. Les deux races, les exilés et les indigènes, cohabitent sous la gouvernance des exilés dont la magie permet un contrôle absolu du climat qui secondairement renforce au quotidien la barrière magique. Pour des raisons inconnues, la magie moins puissante de la race indigène a été bannie et oubliée de cette société, les exilés détenant le monopole de celle-ci.
Tous ces éléments sont très rapidement introduits et posés, on apprend aussi dès le début que le héros est au centre d'une prophétie annonçant la disparition de la barrière magique et le plaçant comme un mage capable de sauver le royaume.

A partir de là, malgré une certaine absence d'originalité, les fondations solides du roman (univers et personnages) devraient lancer une intrigue qui pourrait se révéler très intéressante. Mais l'intrigue n'avance pas, malgré ces 700 pages, il ne se passe quasiment rien qui fasse évoluer cette situation de départ. La prophétie nous annonce des événements qu'on sait imminents mais qui ne semblent pas arriver pour autant. Les deux seuls événements importants, dans le dernier tiers du livre, introduiront d'abord a priori un changement du statut-quo, qui en réalité sera sans suite, jusqu'à être annulé par le deuxième événement inattendu qui repousse à nouveau l'évolution de l'intrigue.

Heureusement que les personnages sont attachants et permettent à la lecture de ne pas ennuyer car l'intrigue fait littéralement du sur-place. Même l'univers n'est finalement plus développé. Après la description des bases de la société, on s'attendrait à ce que les magies au centre de ce roman, celle des exilés et celle oubliée des indigènes, apparaissent et soient développés. Mais la première n'est jamais réellement exposé, encore moins expliqué. On se contentera de savoir qu'elle permet au roi de gérer le climat et que cette magie puissante est coercitive alors qu'a priori la magie indigène est moins efficace et impressionnante mais de nature plus harmonieuse. On l'apprend sans le voir car de cette dernière, nous ne verrons son application qu'à deux ou trois reprises et toujours pour simplement permettre une communication à distance entre esprit.

J'aimerais conseiller ce livre car j'ai pris un certain plaisir à sa lecture, le problème est que la gestion du rythme de l'intrigue est tout aussi catastrophique dans le deuxième tome qui la conclut pour autant. De plus, la découverte des personnages dans le premier tome apportait cette fraicheur que n'a pas le second. La suite est donc bien plus décevante et me pousse même à ne pas conseiller ce premier tome à ceux qui souhaitent éviter une certaine frustration. Quel dommage, cette série pourrait être très bonne, s'il y a un scénariste à la barre.