Un roman sur les rêves, à lire les yeux fermés...

Le maître des rêves est un roman de science-fiction américain, écrit par un des maîtres du genre Roger Zelazny et publié en 1966. Il est l'extension de la nouvelle « le façonneur » ayant obtenu le prix Nebula du meilleur roman court un an auparavant.


Le récit prend place dans un futur relativement proche et relate l'histoire de Render, un psychiatre d'un nouveau genre ou plutôt un « façonneur ». Celui-ci traite ses patients lors de rêves thérapeutiques, qu'il construit à l'aide d'une machine de transmission-réception neurale. Autrement dit, Render se branche aux cerveaux de ses patients afin de prendre le contrôle de leurs rêves et de les confronter à leurs angoisses. Il n'y a que très peu de « façonneurs » tant cette discipline nécessite de contrôler ses propres émotions, sans quoi un transfert pourrait avoir lieu. Un jour, Render va faire la rencontre d'une jeune femme sublime et aveugle de naissance, qui souhaite devenir elle aussi façonneuse. Le roman va alors nous décrire cette relation étrange, où la jeune femme va, à travers les rêves façonnés par le docteur, expérimenter la vue pour la première fois. Un jeu dangereux auquel le lecteur se laisse porter tout autant que le personnage principal.


Ce roman est lui-même construit comme un rêve, poétique et très imagé. L'auteur, à la façon d'un façonneur, ouvre les portes de l'inconscient de son personnage. En effet les mots sont choisis avec goût et il est vraiment appréciable de suivre des personnages cultivés et cyniques. D'ailleurs on retrouve de nombreuses références, tantôt empruntées à la mythologie et à la philosophie, tantôt aux courants de pensées psychanalystes. Zelazny ne cache d'ailleurs pas ses influences Jungiennes (on retrouve entre autres le concept de l'énantiodromie). Des hommages plaisants, mais aussi teintés parfois d'humour. Notamment lorsqu’est introduit Sigmund, un berger allemand disposant d'un vocabulaire de 400 mots, une représentation évidente de Freud, qui parodie les psychanalystes européens classiques. Bien que les références culturelles du livre soient explicites, il est tout de même nécessaire de les approfondir pour profiter pleinement de la richesse du texte.


Si Zelazny est bel et bien un auteur de science-fiction reconnu (il a reçu neuf prix littéraires pour ce genre), celle-ci n'est présente qu'en arrière-plan et n'a qu'une valeur accessoire. Certes il est agréable d'imaginer ce monde futuriste fait de mécanique mais il n'influence pas vraiment la narration et ne nous incite que peu à critiquer notre monde actuel (cette critique est plus présente dans le discours des personnages que dans le contexte). Le texte est alors plus abordable pour ceux qui, aux premiers abords, ne seraient pas attirés par la science-fiction. On regrettera aussi la longueur du texte, qui ne nous permet pas d'oublier que le roman a un jour été une nouvelle, car l'histoire pourtant courte semble allongée par des passages superflus. Si l'intrigue prend son temps avant de se mettre en place, la fin est ouverte et arrive sans prévenir, ce qui laisse le lecteur un peu désappointé. Le fait que nous fermions le livre sans nous être rendus compte que nous l'avions terminé est un dernier parallèle avec le rêve. En effet le retour à la réalité est un peu difficile tant nous avons envie de continuer cette histoire.


Le maître des rêves est donc un roman que l'on peut lire de deux manières : soit en se laissant porter par ses images et sa poésie, soit en s'appropriant les références afin d'interpréter les rêves du héros. En tout cas c'est avec plaisir qu'à bord d'une des voitures à pilotage automatique imaginées par Zelazny, nous nous laissons guider au travers de son voyage onirique.

MarleneRacault
7
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le 20 févr. 2017

Critique lue 166 fois

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