Crois d'abord, t'auras ton dessert après

  Freud avait un argument plutôt sale contre ses détracteurs : si vous êtes contre la psychanalyse c'est parce qu'un mécanisme de défense dans votre pysché vous refuse sa compréhension.
  Pour Marguerite Porete, c'est pareil. Si vous ne comprenez ce qu'Amour, Âme, Raison et les autres pontes de la métaphysique (qui sont les personnages du *Miroir*) racontent, c'est parce que vous n'êtes pas investit par Dieu. C'est un parti pris un peu sévère que de demander à son lecteur d'avoir au préalable trouvé l'illumination, on se demande bien, du coup, ce que l'illuminé lecteur pourra trouver de plus dans cet essai. Et surtout, en privant le lecteur d'argumentation, la Marguerite interdit toute démarche cartésienne. Pour dire, même l'Inquisition trouvera que son propos relève du foutage de gueule et la condamnera au bûcher.
  Cependant. Il y a, dans ce délire religieux, deux ou trois éléments de la mystique chrétienne qui, s'ils n'apportent rien de nouveau au problème du Grand Pourquoi et du Grand Comment, sont assez étonnant dans leur contexte. Je pense notamment à ce poème où Marguerite prône le dépassement de la conscience par l'abandon des vertus - l'abandon des vertus, bordel ! Pour une chrétienne ! - ou encore des passages où il est question de briser le manichéisme, d'unifier le tout et le rien. On pense irrémédiablement au soufisme, à la doctrine indienne de l'advaïta védanta, ou plus largement à l'ontologie, ce qui est étonnant pour une femme du XIIIe siècle, et même prodigieux, car il y a peu de chances qu'elle ait eu vent de ces pensées (ce qui lui vaut trois étoiles, pour l'initiative). Mais ça ne suffit pas à justifier des pages trop souvent chiantes, ou cryptiques, qui perdent le lecteur. Dommage pour toi, Marguerite, la même chose a été dite plus tôt et plus clairement.