Comme dans L'imposteur, son précédent livre, le romancier Javier Cercas délaisse la fiction pour mener l'enquête sur un personnage qui a gardé ses mystères derrière la légende. Mais dans Le monarque des ombres il s'attaque à quelqu'un qui le touche de près, son grand-oncle Manuel Mena, mort à 19 ans, en 1938, dans des habits de phalangiste. Qui était-il vraiment ? Un naïf qui croyait que la cause du franquisme était bonne, un exalté ou simplement un garçon à peine sorti de l'adolescence qui n'avait pas d'autre choix eu égard à son environnement familial ? Javier Cercas raconte ce qu'il a pu reconstituer des derniers mois de vie de Manuel, sur le front, et parallèlement explique les tenants et aboutissants de sa quête sur des traces en grande partie effacées même s'il reste quelques archives et une poignée de témoins de l'époque y compris la mère de l'auteur qui l'a connu. On pourrait arguer que le livre de Cercas est surtout l'oeuvre d'un journaliste ou d'un historien mais ce serait mal connaître la force littéraire d'un écrivain qui interroge le passé et son legs avec le plus d'acuité possible, sans jugement a priori ni a posteriori, avec une sensibilité et une humanité qui sont celles d'un des plus grands prosateurs espagnols du XXIe siècle. Son enquête est passionnante, à la recherche de la vérité sur ce personnage statufié à peine mort, mais le sont aussi les à-côtés, les digressions (souvent drôles), les références littéraires (Homère, Buzzati, Kis) et finalement ce qui est le véritable thème du livre : qu'est-ce que les choix et le sort de Manuel Mena représentent comme héritage aujourd'hui dans la vie de Javier Cercas ? A l'opposé de tout ce qui s'écrit dans le registre de l'autofiction, Le monarque des ombres possède une profondeur et une densité qui l'excluent de cette catégorie. Car cette fibre romanesque, elle est bel et bien omniprésente dans ce livre digne et sans concession à la recherche de ce qui constitue la part d'humanité en chacun de nous.

Cinephile-doux
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le 16 sept. 2018

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