Une Histoire de l'Indonésie

Le Monde des hommes (Buru Quartet I) est un roman écrit par Pramoedya Toer, écrivain et intellectuel indonésien, ainsi que perpétuel opposant politique (de la colonisation comme de la dictature qui a suivit). Il a d'ailleurs imaginé ce roman en prison.
On va suivre la vie de Minke qui essaye de se faire son opinion sur la colonie des Indes Néerlandaises. En effet, ce jeune homme est un des très rare indigène à être scolarisé dans un bon lycée néerlandais (HBS). Il est donc dans une position très particulière; les autres indigènes le considèrent comme "supérieur" car parlant et fréquentant beaucoup de Néerlandais tandis que les blancs et métisses le considèrent comme "inférieure" car il reste un indigène. On va donc le voir évoluer, mener des combats et réfléchir à l'avenir de l’Indonésie. Tout cela sous l'impulsion d'une galerie de personnage secondaire extrêmement intéressant et bien écrit (en particulier le peintre français Jean Marais et Nyai, la javanaise cultivée et révoltée).
Ce roman est vraiment extraordinaire. En effet, il est à la fois très agréable avec des personnages profonds et touchants. Il décrit aussi, tout en finesse et justesse, la vie dans une colonie, les rapports de pouvoir et la propagande; le tout parfaitement inclut dans l'histoire. Cela est permis par la vie et la position de Minke. Le rôle prépondérant des journaux est très bien mis en avant car Minke écrit des articles et des nouvelles dans un journal. De la même manière, le rôle de la langue comme outils de pouvoir est mis en exergue par le fait que Minke parle à la fois Javanais et Néerlandais mais qu'il n'utilise pas du tout les langues de la même façon (le néerlandais est la langue des grands journaux, de l'écrit et de la réflexion tandis que le javanais est la langue de l'orale et des paysans).
Bref ce livre est un chef d’œuvre parvenant à combiner une très bonne histoire avec des réflexions extrêmement intéressantes sur les colonies, la supériorité raciale et plus généralement sur la société indonésiennes.