Waouh ! Essai transformé pour Lovecraft avec ce petit recueil de nouvelles parues au début du siècle dernier. Comme souvent - ceci s'adresse à ceux qui me lisent régulièrement - je découvre pour la première fois cet auteur dont j'ai longuement entendu parler que ce soit de manière directe ou indirecte : le fameux style "lovecraftien". Le Mythe de Cthulhu est un ensemble de nouvelles qui, au premier abord, n'ont pas de lien direct entre elles. Je tiens à le préciser car je ne m'attendais pas forcément à cela quand j'ai acheté la version de poche chez J'ai Lu. En effet, je m'attendais davantage à un roman sur la découverte de Cthulhu et les conséquences de son réveil. Finalement, l'histoire traitant de Cthulhu (dieu le plus célèbre du panthéon de Lovecraft) est assez courte et l'on reste, selon moi, un peu sur sa faim.


Sans être une claque, ce recueil demeure une excellente surprise autant sur le fond que sur la forme. Pour le fond, je ne reviendrai pas dessus car les nouvelles de l'écrivain américain ont été maintes fois lues, commentées et adaptées. Savant mélange entre science-fiction et horreur, le style de Lovecraft plonge son lecteur dans les miasmes de la peur et les abysses de la folie. Des êtres surnaturels et extra-terrestres arrivés sur Terre bien longtemps avant les hommes, sortent soudainement d'un long sommeil pour conquérir et asservir l'humanité. Quelque soit la nouvelle, ces horreurs cosmiques surgissent toujours par le même procédé : soit des entrailles de la terre, soit du fond d'un marais soit des abysses de l'océan. Ils sont parmi nous.


Lovecraft insère donc ses histoires dans notre quotidien en ayant régulièrement recours à des effets en trompe l’œil. C'est très réussi à défaut d'être original puisque pour moi cela correspond bien à l'époque. Il ne faut pas oublier que Maupassant, Edgar Allan Poe et autres nouvellistes procédaient de la même manière avant lui. On peut quand même noter que Lovecraft se soucie davantage du réalisme car à plusieurs reprises il fait dire à ses narrateurs des phrases du genre : "je sais que la plupart des gens qui me liront auront du mal à me croire mais...blabla". Il s'agit clairement d'un teasing psychologique qui s'adresse directement au lecteur. Cela permet de le mettre dans des conditions idéales tout en l'incitant implicitement à croire au récit, tel un reportage. A titre de comparaison, cela correspond au très classique : "Tiré d'une histoire vraie" qui tombe à point nommé en début de film (d'horreur souvent).


L'utilisation du journal de bord ou intime incite Lovecraft à faire parler ses personnages sur un ton principalement descriptif malgré la présence de dialogues, ce qui peut rebuter certains lecteurs habitué à l'action non-stop. Il est amusant de constater que c'est un reproche récurrent adressé à Tolkien depuis quelques années. Ce dernier souffre de plus en plus de la comparaison avec Martin et sa saga du Trône de Fer au style bien plus actuel. Comme je l'ai dit plus haut, c'est une écriture riche, descriptive, propre à l'époque qui ne m'a pas dérangé outre mesure.


Revenons à nos moutons, Le Mythe de Cthulhu est effectivement loin d'être un roman d'action-aventure comme on l'entend aujourd'hui ou d'épouvante dans la droite lignée de son compatriote Stephen King (malgré l'inspiration et l'hommage évident de toute son œuvre à Lovecraft). En effet, il ne faut pas oublier que notre auteur écrit en 1926. Certains passages sont considérés comme lourds et pompeux en particulier lorsque Lovecraft décrit des monstres ou des événements inintelligible pour ses personnages. C'est en partie justifié mais rien de choquant non plus. Premièrement parce que ça ajoute une dimension horrifique puisque l'écrivain fait parler ses personnages : ils décrivent comme ils peuvent les monstruosités auxquelles ils ont affaire. Deuxièmement, ce style descriptif permet de mettre en exergue le fait que les hommes, impuissants, ne sont plus moteur de l'action. Ils subissent, souffrent, meurent, sombrent dans le folie, disparaissent etc. Mais n'agissent pas ou peu car le danger est cauchemardesque et incommensurable. Le tout baigné dans un espèce de folklore tribal rappelant l'époque colonial ou de culte ésotérique flippant. Franchement, l'ambiance générale qui ressort de ce livre est glauque à souhait, ceci est incontestable. Enfin tout dépend des conditions dans lesquelles vous lisez.


Parmi les six nouvelles qui composent cet ouvrage, j'ai apprécié particulièrement : L'Appel de Cthulhu, La couleur tombée du ciel et Celui qui chuchotait dans les ténèbres. La dernière procure un vieux malaise au fur et à mesure de la lecture. Extraordinaire !


Pour conclure, j'ai beaucoup apprécié me plonger dans cet univers de fiction et j'y goûterai volontiers une seconde fois. L'Affaire Charles Dexter Ward et Les Montagnes hallucinées font partie des textes mythiques de l'auteur que j'ai hâte de découvrir. Je terminerai sur un conseil. Il faut lire ces textes en contextualisant un minimum l'époque dans laquelle l'écrivain écrit. Les personnes qui s'attendent à vivre une expérience comme au cinéma en 2018 sont ridicules. L'ambiance est réellement angoissante si on se prête a minima au jeu dans lequel nous entraine H. P. Lovecraft.

silaxe
8
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le 9 mai 2018

Critique lue 545 fois

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silaxe

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