Une première immersion dans l'univers de Lovecraft qui, sans être mauvaise, n'a pas eu l'impact que j'en attendais.
L'auteur a un effet un style très particulier, beaucoup de syntagmes, de nombreuses descriptions qui finalement font plus appelle à l'imagination du lecteur qu'autre chose (Lovecraft décrit très souvent ce qu’il qualifie lui-même, à travers le narrateur, d’indescriptible), et une écriture qui ferait presque penser à de la poésie par moment (du moins dans les traductions de Jacques Papy, Simone Lamblin et Yves Rivière).
Toutes les nouvelles présentes dans ce recueil actes des scènes passées, comme une sorte de journal, ce qui fait qu'on a finalement très rarement peur pour les protagonistes (on est auto-spoilé en quelque sorte).


Point que je trouve intéressant, Lovecraft a beau avoir rédigé des nouvelles portées sur l'horreur, le fantastique et la science-fiction… il est cependant très matérialiste. Tel le cliché que l’on peut attendre du zététicien moyen, les personnages présentés dans le récit doutent continuellement des autres, mais aussi d'eux-mêmes, ne croyant même pas à ce qu'ils viennent de voir. On a donc affaire à des sortes de « récits hypothétiques » : le lecteur lisant des passages auxquels le narrateur ne croit pas non plus. L'auteur américain a aussi tendance à évoquer des faits bien réels et à les incorporer dans la narration, c'est le cas de la nova GK Persei, évoquée à la toute fin de Par-delà le mur du sommeil, par exemple. En fait, il y a systématiquement une volonté de « ramener le fictif au réel ».


Bien sûr, il m'est difficile de parler de Lovecraft sans évoquer sa xénophobie apparente… mais ce n'est même pas ça qui m'a le plus surpris ou dérangé. Car en fait, Lovecraft déteste TOUT LE MONDE ! La nouvelle qui m'a le plus interpellé à ce niveau-là est sans l'ombre d'un doute Par-delà le mur du sommeil, se concentrant sur un « white trash » enfermé dans un hôpital psychiatrique suite à un meurtre. Je n'ai jamais vu un auteur descendre autant, se montrer aussi systématiquement insultant, envers l'un des personnages de son récit. Sans rien exagérer, trois quarts des phrases concernant le montagnard dans ladite nouvelle sont entourées de syntagmes au minimum rabaissant, au pire insultant, au point même où après que cela en soit devenu inutile, ça en devienne même dérangeant pour le lecteur.


La qualité du recueil est quant à elle plus discutable. Déjà, mis à part bien évidement pour L'Appel de Cthulhu, ça ne paraît pas être les nouvelles qui l'évoquent le plus et dans une moindre mesure qui évoquent le plus les « Grands Anciens ». Il y a tout de même quelques points bien précis qui raccrochent les wagons, notamment dans les deux dernières nouvelles du récit, mais de ce que j'ai compris, l'inclusion d'autres nouvelles aurait été plus approprié : Dagon, Le Cauchemar d'Innsmouth, Les Montagnes hallucinées, etc. Il y a tout de même quelques échos entre certaines d’entre elles (des lieux et des détails qui reviennent), mais avant d'entamer ce recueil, je m'attendais à plus de liens entre les différentes histoires (ce qui n'est pas forcément un défaut quand j'y repense).
La traduction française ne semble pas non plus parfaite. En tout cas, pour avoir relu certains passages en anglais (mon anglais étant ce qu'il est), via Wikisource par exemple, j'ai l'impression que certains détails n'ont pas été conservés. Ça ne rend pas la lecture désagréable et ça ne boulerversifie pas non plus la totalité de l'intrigue, mais Lovecraft aimant jouer sur les détails, le lecteur pourrait éventuellement passer à côté d'un élément faisant écho à une autre de ses nouvelles.
Dans l'ensemble et si j'en crois les différents retours, je n'ai pas l'impression qu'il s'agit des meilleures nouvelles de l'auteur. En tout cas, j'ai plus entendu parler d'ouvrages tel que Les Montagnes hallucinées, L'affaire Charles Dexter Ward ou encore Le Cauchemar d'Innsmouth.


Ayant eu un peu de mal à me plonger dans l'univers, je dirais que j'ai vraiment pris du plaisir à lire Lovecraft une fois arrivé au milieu du recueil.
Enfin, si je devais classer les nouvelles par ordre de préférence, je les rangerais de la manière suivante :
- La couleur tombée du ciel
La nouvelle que j'ai trouvé la plus prenante ; se concentrant sur une famille, qui, après qu'une météorite se soit écrasée sur leur terre, va peu à peu sombrer dans la folie. On a là l'entité la plus étrange de ce recueil, la plus indescriptible possible, mais qui arrive tout de même à se débarrasser de toute une famille, ce qui la rend fascinante de bout en bout.
- Celui qui chuchotait dans les ténèbres
La traduction pèche un peu, ce qui fait que la fin de cette nouvelle perd en clarté… sachant qu'il s'agit d'une fin « à twist », cela la rend quelque peu frustrante. Mis à part ce problème, je l'ai trouvée clairement happant.
- La tourbière hantée
Bon clairement, si je place La tourbière hantée aussi haute, c'est à cause de ma petite passion pour la mythologie grecque et la Grèce antique en général. Car en l'état, il s'agit d'une commande, et pas forcément de la nouvelle la plus étoffée.
- La peur qui rôde
Il s'agit de la nouvelle que j'ai trouvée la moins agréable à lire… sûrement à cause de la traduction. Sans quoi elle se rapprocherait sans l'ombre d'un doute des deux premières qualitativement parlant.
- Par-delà le mur du sommeil
Le mépris de Lovecraft envers les montagnards rend cette nouvelle vraiment fascinante. Au point-même où, en prenant un certain recul, ça en devient drôle… ou complètement effrayant. Car pour le coup, voir l'auteur s'acharner avec une telle rage, de manière absolument gratuite de surcroit, sur une population bien spécifique, fait que l'on est effrayé, non pas par la nouvelle, mais par l'idéologie de Lovecraft, par ses craintes envers ce qu'il ne connaît pas, sa crainte envers les humains.
- L'Appel de Cthulhu
Comme je l'ai dit plus haut, ça a été dur pour moi de rentrer dans cet univers, d'où la place de la nouvelle… je suis persuadé que la placerait à une bien meilleure position la fois où je la relirais. En l'état, c'est la seule nouvelle de ce recueil qui ne m'a procuré de « plaisir » lors de sa lecture.

MacCAM
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le 21 mars 2022

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