Après un premier tome exceptionnel, et un second plus convenu mais efficace, Peggy Sue s'installe d'ores et déjà chez Brussolo comme étant sa plus grande série jeunesse. Mais encore faut-il la tenir cette série, et donc maintenir son niveau de qualité, celui-ci ayant déjà pris un peu de plomb dans l'aile avec le Sommeil du Démon. Et en se lançant dans le Papillon des Abîmes, on se dit que ce n'est pas gagné d'avance.


Un pays dévasté par les éclairs, des peaux de gorille aspirant la fatigue de celui qui les porte, des pommes atomiques faisant office de paratonnerre, des chats de sérénité volant la frustration et le stress de celui qui les caresse (jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus et finissent par transformer en tigre rouge), une guerre des nuages, un papillon géant diffusant un bonheur sans nom au sein de son ombre ou encore des maison sur roues : voilà peu ou prou tout ce qu'on découvre en moins de cinquante pages. Le début de l'aventure ressemble ainsi à une accumulation d'idées typées Brussolo, mais agglutinées sans cohérence et surtout sans profondeur. On assiste à une sorte de tempête d'idées sorties de l'esprit démentiel de l'auteur, mais aucune d'entre elle n'est creusée, aucune d'entre elle n'a finalement d'intérêt hors de son chapitre dédié. Peggy se retrouve alors à chasser des bad guys sur un nuage-forteresse depuis lequel ces-derniers envoient des éclairs fondus à partir des étoiles sur le pauvre papillon, mais on se sent un peu détaché des enjeux tant ceux-ci ont été expédiés.


Ces cent premières pages se lisent toutefois sans déplaisir, essentiellement grâce au style et à l'imagination de Brussolo. L'arrivée sur le nuage marque néanmoins clairement un cap dans le récit : on se pose enfin un peu, permettant ainsi à l'univers de se développer. Mais le livre n'atteint son vrai potentiel que lors de la descente de plusieurs semaines au sein du volcan (oui, oui). Plus le choix, pour faire sentir au lecteur les semaines qui s'écoulent, il faut bien se poser. Alors on arrive aux squelettes, un des meilleurs passages de ce Peggy Sue : les gens morts lors de la descente, une fois devenus squelettes, errent sans fin dans la cheminée, et pour ne pas s'ennuyer ils ont décidé de former un orchestre en évidant leurs propres os afin d'en faire des instruments ! Evidemment, le squelette de Peggy leur plait beaucoup.


Le dernier tiers ("la caverne") est tout aussi réussi, avec un univers soigneusement dépeint, complètement malade mais cohérent, et génial. Aussi toute la fin est-elle très bien. Je déplorerais juste un côté trop WTF lors de certaines assertions, du genre "pour sauver untel tu dois aller ici, faire ci et ça, puis récupérer ceci, qui te chantera ça, puis tu devras me chanter ce qu'il t'a chanté" : sérieusement ? Bon, les péripéties sont cool donc ça compense, mais niveau cohérence dans le récit là on n'y est plus. L'explication finale pour les Invisibles est également une terrible déception par rapport à l'ampleur initiale de leur menace : c'est original, mais bien trop vite expédié et pas à leur hauteur de ce qu'on pouvait attendre d'un tel affrontement.


Au final, le Papillon des Abîmes est une lecture éminemment sympathique. Les péripéties trop précipitées du premiers tiers sont ensuite rattrapées par une ambiance viscéral et un univers démentiel qui se rapprochent de ce qui fait l'excellence du Jour du Chien bleu. Certains passages sont ainsi parfaitement maîtrisés, et d'autres pas du tout. Soit un opus charmant, mais inégal.

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le 3 mai 2015

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